Intervention de Médecins sans frontières, à Kailahun (Sierra Leone), le 10 juillet.
(c) Sylvain Cherkaoui/Cosmos pour MSF
Article publié sur le site Le Monde
A Monrovia, capitale du Liberia, il vaut mieux souffrir d’Ebola que d’une appendicite : depuis des mois, les trois hôpitaux publics de cette ville de 1 million d’habitants sont fermés, à l’exception de deux unités de maternité et d’un service de réanimation. Pris d’assaut dès le commencement de l’épidémie, mal équipés, totalement impréparés, ils ont fini par baisser pavillon. Le personnel soignant ne disposait ni de la formation ni du matériel pour se protéger, pas même de gants corrects. Résultat, des contaminations, puis des défections en série. « Sur la cinquantaine de médecins que comptait le Liberia [pour 4,4 millions d’habitants], neuf sont morts », raconte le docteur Pierre Etsé Ditri Sallah, coordonnateur de Médecins du monde (MDM) à Monrovia. Pourtant, par une cruelle ironie, ce ne sont pas les lits qui manquent en ville. Au contraire : avec la baisse du nombre de cas répertoriés ces dernières semaines, plus de la moitié des places disponibles dans les centres consacrés à la fièvre Ebola sont actuellement inoccupées.
Ces hôpitaux de campagne réservés à Ebola, implantés et gérés par des pays ou des organisations non gouvernementales (ONG) étrangères ont été essentiels pour enrayer la propagation d’un virus terriblement létal. Depuis le début de l’épidémie, fin décembre 2013, la fièvre hémorragique a fait, selon le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un peu plus de 6 000 morts dans les trois principaux pays concernés, Liberia, Sierra Leone et Guinée. Mais, dès septembre, des interrogations se sont fait jour : ces fonds déversés dans des pays en ruine, où les systèmes de santé méritent à peine leur nom, ne sont-ils pas un cautère sur une jambe de bois ? Voire pis, peut-être : un sauf-conduit implicitement délivré aux gouvernements des pays touchés, à qui l’aide extérieure d’urgence permettrait de poursuivre dans leur incurie ?