« Après Ebola, il n’y aura plus de prisonniers à Kindia »

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(c) Cellou Balde

 

Cet article est paru dans le Raban d’octobre 2014

 

Les mots de Cellou Baldé sont sans équivoque. Maître de recherche en maladies tropicales à l’Institut Pasteur de Guinée, Cellou est aussi coordinateur bénévole entre MdM et la Kindianaise d’assistance aux détenus (KAD) sur le programme de santé et d’hygiène de la prison de Kindia. Aujourd’hui, Cellou est inquiet. Alors que MdM a prévu de se retirer du projet au vu des améliorations réalisées depuis 2013, l’apparition de l’épidémie d’Ebola a eu des conséquences directes sur l’économie du pays et a fortement contribué à la dégradation des conditions de détention des prisonniers de Kindia. Selon lui, les prisons sont aujourd’hui livrées à elles-mêmes et ne constituent plus une priorité pour l’État. Voici son témoignage de la situation sur place.

 

La peur de l’épidémie s’empare du pays

 

La situation de la Guinée est aujourd’hui très dure. Tout le monde est gagné par la peur d’Ebola. Les mouvements des personnes sont réduits, toutes les activités fonctionnent au ralenti et les expatriés ont pour la plupart quitté le pays. Les hôpitaux et dispensaires ne reçoivent pratiquement plus de malades, qui préfèrent se cacher et solliciter les guérisseurs. Ebola paralyse les services de santé et d’éducation, cause la fermeture des entreprises, ce qui perturbe la production, la vente et l’exportation des produits alimentaires de base. Selon un communiqué du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) rendu public le 10 octobre dernier, « un soutien urgent est nécessaire pour éviter un effondrement de l’économie guinéenne ». Car si la crise a déjà touché tous les secteurs de l’économie, le PNUD souligne que les conséquences pourraient persister pendant une dizaine d’années après la propagation du virus. Pourtant, aujourd’hui, la mobilisation nationale et internationale face à l’épidémie en Guinée, comme dans les pays voisins, n’est pas à la hauteur de l’ampleur de la situation.

 

Des prisonniers oubliés de tous

 

L’état actuel de la prison de Kindia est grave. Suite à la propagation d’Ebola en Guinée, les prisonniers payent un lourd tribut : plus de visites, de repas complémentaires, d’activités de réinsertion ou d’apports extérieurs. Pire, la société de restauration n’a pas été payée depuis 8 mois et les conséquences se font directement ressentir sur les détenus. La malnutrition, qui n’était plus qu’un mauvais souvenir, refait surface alors que le CICR menace de se retirer. “Nous sommes passés de 6% à 20% de malnutris de fin juillet à début septembre. Les équipes de notre programme auprès des détenus sont épuisées par l’étendue de la propagation du virus, qui semble hors de contrôle. Avec Ebola aujourd’hui, la famine est prête à frapper à la porte de nos prisons. Et si jamais MdM se retirait maintenant, l’association laisserait la prison dans l’état où elle l’a trouvé en 2001”.

 

Alerter l’opinion pour une plus grande mobilisation

 

Il faut en parler car si on n’en parle pas, après Ebola il n’y aura plus de prisonniers à Kindia. Le virus aura décimé la population. La faim et la malnutrition auront eu raison des prisonniers. Pourtant, faut-il le rappeler, ce sont aussi des êtres humains ! Humanitaires du monde entier, crions haut et fort pour le secours de nos frères et sœurs que nous avons jugés et condamnés !

 

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