Paru dans le Fil info Pays de La Loire du mois d’octobre
Du 14 au 20 septembre, Maïwenn (intervenante santé sur le programme auprès des personnes se prostituant) est partie à Moscou pour une mission exploratoire. Le programme a été contacté par le siège, pour ses compétences et son expertise auprès des femmes qui se prostituent à Nantes. Irène a proposé à Maïwenn d’y aller. De retour, elle raconte.
Qu’est-ce qu’une mission exploratoire et en quoi a consisté celle en Russie ?
Une mission exploratoire sert à analyser le contexte, les problématiques d’accès aux soins, à identifier les besoins, les potentiels partenaires et évaluer si une intervention de MdM serait opportune, pour y faire quoi, comment, avec qui… A Moscou, un bureau MdM existe déjà. Une première mission exploratoire avait déjà eu lieu pour évaluer le contexte général de l’accès aux soins des personnes migrantes. Cette explo a mis en avant la situation de personnes se prostituant, migrantes, comme pouvant être une population « cible » pour une intervention. Mon rôle était de m’entretenir avec des femmes, ce que je fais quotidiennement à Nantes, pour avoir une image plus précise de leurs besoins, des problématiques qu’elles rencontrent et vers quels partenaires il serait possible de les orienter.
Quelles sont les différences avec le public nantais que tu rencontres ?
En une semaine, nous n’avons pas beaucoup de personnes et il est difficile de faire des comparaisons. Par contre sur l’accès aux soins, il y a des différences. Les migrants n’ont pas accès au traitement pour le VIH en Russie et s’ils sont dépistés pour certaines maladies (VIH, hépatites, tuberculose, syphilis) la loi demande au médecin de communiquer leurs noms aux services de l’immigration pour qu’ils soient déportés. Il n’y a pas de sécurité sociale, pour les personnes migrantes et tout est payant, médecin, médicaments, tests de dépistage, contraception… Il y a peu de recours à la contraception et aux IVG. Lorsque les femmes sont enceintes la majorité des grossesses ne sont pas suivies ; par conséquent on soupçonne des avortements clandestins, des abandons d’enfants…
Qu’est-ce qui t’a marqué pendant cette mission ?
J’ai rencontré des associations militantes avec peu de moyens légaux (usage de drogue et prostitution interdits) et comme la réduction des risques est perçue comme encourageant l’usage le gouvernement ne finance pas les associations qui en font. Malgré tout, elles se battent et trouvent des moyens de faire du plaidoyer. Par exemple, l’hôpital pratique des tests de dépistage (VIH et VHC), gratuits, payés par le gouvernement pour les personnes orientées par l’association Shagi. J’ai aussi rencontré des femmes avec des profils semblables à celles que je vois tous les jours à Nantes. Des nigérianes notamment. Ça m’a touché.
Quelle est la suite de cette mission exploratoire ?
Nous avons rédigé un rapport pour détailler les entretiens que j’ai eu, les problématiques rencontrées et proposer des pistes d’intervention. La mission exploratoire a permis de découvrir que l’association Silver Rose (l’équivalent du Strass en France) avait le projet de démarrer une action à Moscou, avec Shagi, pour les personnes qui se prostituent. Nous avons rencontré les acteurs de Silver Rose et de Shagi et à la lecture du rapport, il apparaissait pertinent de soutenir cette association car elle fait déjà de la réduction des risques, elle connait le réseau, elle milite déjà fortement.
A mon retour, j’ai débriefé au siège à Paris, avec l’équipe, ils m’incluent toujours dans les échanges mais je n’ai ni le temps, ni les compétences pour planifier le projet avec eux.
Que retires-tu de cette expérience ?
C’était vraiment bien de pouvoir participer à cette mission, d’aller sur un autre terrain, d’avoir des échanges très enrichissants sur place. Et à Moscou, je me suis rendue compte de la difficulté pour une personne migrante qui arrive dans un nouveau pays dont elle ne comprend pas la langue, et ne peut communiquer car l’alphabet est différent.
