Olivier Lebel, directeur général de MdM
La 3ème édition du LH Forum, sommet annuel de l’économie positive, a réuni durant 3 jours de conférences, de débats et d’ateliers professionnels 450 personnes impliquées à divers titres. Dirigeants d’entreprises et d’ONG, responsables politiques, universitaires, entrepreneurs sociaux et citoyens engagés sont venus présenter leurs idées et projets innovants. Olivier Lebel, directeur général, y a plaidé en faveur de la Couverture Santé Universelle (CSU).
« Avant de me pencher sur la question de la CSU, je pensais que la « sécurité sociale pour tous » était une utopie de pays riche, dans la lignée de la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 (article 22). »
Résumé de l’argumentaire :
Bilan O.M.D : la santé dans le monde s’améliore depuis 30 ans
Sur les 8 Objectifs du Millénaire pour le Développement (O.M.D), 3 concernent directement la santé (D’autres objectifs ont également des effets sur la santé comme le premier, dédié à la pauvreté et à la faim):
Objectif 4 : Diminuer la mortalité infantile
Progrès : 6 millions d’enfants sauvés chaque année (6,6 millions de décès avant 5 ans par an en 2012 pour 12,6 millions en 1990)
Objectif 5 : Améliorer la santé maternelle
Progrès : réduction de 45 % du nombre de décès entre 1990 et 2012 (objectif O.M.D : 75 %). Le pourcentage de naissances assistées a augmenté mais 10 % de femmes dans le monde n’ont encore pas accès à la contraception aujourd’hui.
Objectif 6 : Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies
Progrès : réduction de 1 million de nouvelles infections entre 2001 et 2012. Au cours de ces trois dernières années, les nouvelles infections à VIH ont chuté de 13 %. Les nouvelles infections à VIH parmi les enfants sont tombées pour la première fois sous la barre des 200 000 dans les 21 pays les plus affectés d’Afrique.
Malgré tous ces progrès, la santé reste un immense champ d’injustices :
Santé maternelle
Une femme enceinte en Afrique court 100 fois plus de risques de mourir pendant sa grossesse ou lors de son accouchement qu’en Europe (1/38 vs 1/3700).
Dans les pays en rose foncé, les femmes risquent cent fois plus de mourir pendant leur grossesse ou leur accouchement que dans les zones en rose pale.
Près de 800 femmes meurent tous les jours dans le monde de complications liées à leur grossesse ou à leur accouchement.
Enfants
74 % des enfants qui meurent viennent d’Afrique et d’Asie du Sud-est. Le risque pour un enfant de décéder avant son cinquième anniversaire est 8 fois plus élevé dans les Pays de la région africaine de l’OMS que dans la Région européenne.
Monde
En jaune clair : 500/100 000 (1/200); en rouge 1500/100 000 (1/67)
Taux de mortalité tous âges : le risque de mourir l’an prochain est trois fois plus élevé en Afrique que dans les pays riches.
Dans 9 pays (tous situés en Afrique subsaharienne), l’espérance de vie moyenne des hommes, comme celles des femmes, est inférieure à 55 ans. La différence d’espérance de vie entre les pays à revenus élevés et les pays à revenus faibles est de 15 ans pour les garçons et 19 ans pour les filles.
La santé, condition sine qua non d’un progrès économique, ne se limite pas aux soins.
A Alma Ata en 1978, s’est tenue la conférence internationale sur les soins de santé primaire. Pour la première fois, les gouvernements y ont reconnu que la santé ne repose pas uniquement sur des hôpitaux, mais sur tout un système. Ils se sont accordés sur l’importance de la santé comme levier de développement économique et même comme facteur de paix mondiale
134 gouvernements ont signé la déclaration s’engageant vers la santé pour tous en 2000.
Aujourd’hui, 4 piliers se distinguent dans le système de santé :
– La promotion de la santé ;
– La prévention ;
– Les soins ;
– la réhabilitation.
Le paiement des soins peut faire basculer dans la pauvreté.
L’OMS estime que, chaque année, 100 millions de personnes sombrent dans la pauvreté (moins de deux dollars par jour) parce qu’elles doivent payer directement leurs soins de santé. (Rapport 2010)
Pour ne pas sombrer dans la pauvreté, il faut ne pas payer au moment où on utilise le service. Bien sûr, la santé a un coût. Il faut bien que quelqu’un paie à un moment ou un autre. Mais au moment des soins, il est nécessaire qu’un système prenne le coût en charge.
LA CSU n’est pas réservée qu’aux pays pauvres.
Un mouvement de fond qui s’applique à tous les pays : depuis le rapport OMS de 2010, 80 pays ont fait des demandes d’assistance technique.
L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté le 12 décembre 2012 à l’unanimité une résolution en faveur de la couverture sanitaire universelle qui souligne que la santé est un élément essentiel du développement international. La résolution invite instamment les gouvernements à accélérer la transition vers l’accès universel à des services de santé de qualité et abordables.
Au moins deux pays majeurs ont récemment fait un pas décisif en faveur de la CSU : les États-Unis et la Chine.
Aux États-Unis 60% des faillites personnelles sont liées au paiement de soins.
Objectif 2019 ObamaCare: couvrir 35 millions de personnes qui n’avaient pas d’accès à une couverture maladie.
Chine : un grand programme a été lancé depuis 2009 pour couvrir 95 % de la population à horizon 2020.
Comment parvenir à financer ces programmes ?
Les financements reposent toujours sur un système de solidarité. Solidarité des riches avec les pauvres, des biens portants avec les malades. Solidarité au niveau d’un village, d’une communauté, d’une profession, d’une région, d’un pays.
Quelques exemples:
Mécanisme de financement par l’impôt.
> Rwanda : 70% par impôt, 3% par cotisation
> Gabon à 75% par la TVA.
> La Thaïlande a fait le choix d’un financement de ce type dans le cadre d’une réforme lancée en 2001. Les impôts ont été choisis comme principale source de financement, jugée la plus progressive : les personnes contribuent proportionnellement à leur revenus.
Lire le document de l’ AHPSR (Alliance for Health Policy and Systems Research – WHO) sur la Politique de Couverture Santé en Thaïlande
Solidarité riches / pauvres
> Le centime additionnel du Niger, mis en place depuis 2009 : sur chaque consultation le patient est prélevé de 100 FCFA (15 centimes d’euro environ). Ce système repose sur la solidarité entre les usagers: les “moins” malades participent au financement de l’évacuation en urgence des “plus malades” pour des soins adéquats.
Le projet MdM de financement solidaire des évacuations sanitaires intègre ce système .
Lire le rapport de l’université de Montréal sur projet MdM « financement solidaire des évacuations sanitaires ».
Financements innovants
> Contribution solidaire sur abonnement téléphonique, taxes sur le tourisme…
Lire le chapitre 2 du rapport de L’OMS “Plus d’argent pour la santé”
Lire Le financement des systèmes de santé: le chemin vers une couverture universelle extrait du Rapport 2010 sur la santé dans le monde de l’OMS
Quels que soient les méthodes utilisées, nous retombons sur les objectifs fondamentaux de la CSU :
– Éviter la pauvreté ;
– Sauver des vies : les mécanismes mis en place ont sauvé la vie de 15 millions d’enfants et de 700 000 femmes depuis 2010.
Un bel exemple de couverture sanitaire universelle