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Hommages et témoignages
J’ai le regret de vous faire part du décès de Claude Moncorgé survenu dans la matinée du jeudi 21 mai. Claude a été un membre actif, engagé et déterminé de notre organisation pendant de nombreuses années en tant qu’acteur de terrain, responsable de mission, membre du Conseil d’Administration et président de 2000 à 2004.
Il s’est investi dans de nombreux domaines, en particulier, dans le combat pour l’accès aux soins et à la dignité des personnes vivant avec le VIH, mais aussi pour défendre l’accès aux soins des personnes sans-papiers, déjà à l’époque remis en cause, et promouvoir la santé communautaire.
L’émotion et les réactions de ceux et celles qui l’ont connu sont nombreuses aujourd’hui pour souligner sa grande générosité, son intelligence, son militantisme, sa curiosité intellectuelle, sa chaleur communicative et son sourire toujours radieux.
Nous partageons avec toute sa famille et ses proches notre peine et notre tristesse.
22 mai 2020
Philippe de Botton, président de MdM France depuis 2018
Une immense tristesse rassemble aujourd’hui autour de Kathou et Samuel toutes celles et ceux qui l’ont aimé, apprécié son intelligence et son élégance, soutenu lorsqu’il prenait des décisions qui se sont avérées capitales pour le futur et la stabilité de Médecins du Monde.
Claude, tu as été un Président qui a accompagné avec constance les projets en France, soutenu le projet européen de MdM, réconcilié bénévoles et salariés. Tu as su avec succès lutter contre le SIDA en Afrique avec MdM puis comme Directeur Général de l’OPALS. Nous savons toutes et tous combien MdM te doit. Je sais ce que je te dois. Tu as su avec d’autres maintenir MdM la tête hors de l’eau lorsque les difficultés financières se sont accumulées en prenant les bonnes décisions pour stabiliser les projets et permettre en conséquence que vivent les femmes et les hommes qui font la grande communauté MdM.
Tu ne t’es jamais dérobé devant tes responsabilités et c’est un engagement politique profond qui te guidait. Des difficultés ont marqué la fin de ton mandat de Président. Mais tu ne t’es jamais départi de cette droiture qu’exprimait ton regard bleu et de cette dignité que tu as su rendre ici- bas à tant de femmes et d’hommes grâce aux actions que tu as menées. Tu nous manques beaucoup. Derrière ton calme et le respect sans faille que tu avais pour chacun, il y avait un homme d’une grande intelligence et d’une grande bonté au sourire lumineux.
Ma tristesse est immense. La communauté MdM est en deuil. Mais les souvenirs joyeux et émouvants demeurent.
J’ai rencontré Claude au début des années 2 000. Il présidait le conseil d’administration de Médecins du Monde et moi celui de Médecins Sans Frontières. Je me suis tout de suite senti proche de lui. Dans les suites de l’attentat du 11 septembre 2001, la coalition militaire dirigée par les États-Unis souhaitait « embarquer » les organismes humanitaires en soutien à leur « croisade », en le disant avec les mots de l’époque. Ceux qui résistaient à cette pressante invitation trouvaient en Claude un allié attentif et déterminé. Nous partagions également le désir que les traitements contre le sida soient accessibles à tous. Ce qui dans le contexte d’alors était loin d’être acquis. Les déjeuners avec Claude étaient aussi l’occasion de partager notre lassitude face à ce que nous percevions comme le sectarisme et la bureaucratie de nos associations respectives. Quelle bouffée d’oxygène d’en parler avec Claude dont la générosité rivalisait avec le sens de l’humour.
Des souvenirs me reviennent : une AG où, représentante des coordinateurs, j’égrainais au Président qu’il était toutes nos demandes, nos revendications, nos recommandations au CA.
Souvenir également d’un match de rugby mémorable lors d’université d’automne à Gruissan : Mdm contre l’équipe locale (dans le sud-ouest) ; Claude, président, était le capitaine.
D’autres plus anodins de réunions, de temps de travail communs. Et me reviennent avec eux sa voix douce, son calme, sa patience …
Et puis, la dernière fois où je l’ai vu : lors d’un pot pour une amie commune (il y 2 ou 3 ans) … je ne l’avais plus vu depuis longtemps et j’ai retrouvé son sourire et son regard doux et pétillant et surtout sa bienveillance dont il ne s’est jamais départi.
J’imagine la douleur dans laquelle cette disparition laisse ses proches et sa famille et je pense bien à eux.
Mémoire
Le « devoir d’interpellation », cet anesthésiste-réanimateur de 49 ans le met en pratique aujourd’hui pour défendre l’aide médicale d’État (AME). Instaurée en 1999, cette prestation finance les frais médicaux des personnes étrangères en situation irrégulière, les plus démunies. Estimant que la délivrance de l’AME donne lieu à une « fraude généralisée », le gouvernement souhaite renforcer les contrôles, tout en demandant une participation financière aux bénéficiaires des soins. Autant de mesures qui doivent être examinées à partir d’aujourd’hui par les députés dans le cadre du collectif budgétaire pour 2003. « Cette réforme ne va faire que restreindre l’accès aux soins des populations qui sont déjà parmi les plus précaires », affirme Claude Moncorgé.
C’est à la fin des années 1980 que ce médecin hospitalier a rejoint Médecins du monde. Au départ pour quelques missions ponctuelles de formation. À l’époque, Claude Moncorgé est en poste en réanimation chirurgicale à l’hôpital Cochin, à Paris. Un service prestigieux, le nec plus ultra de la médecine moderne. À des années-lumière de ce qu’il verra, en 1994, dans les camps de réfugiés du Rwanda, après le génocide. « Les gens mouraient en masse, on avait l’impression d’un cataclysme. On avait le sentiment qu’il fallait être là mais en même temps on se sentait d’une terrible impuissance. »
Après une année passée dans l’Afrique des Grands Lacs, Claude Moncorgé décide de « franchir le cap ». Il quitte Cochin pour un poste à mi-temps dans une clinique. Car une grande partie de sa vie, désormais, c’est Médecins du monde, dont il est devenu président en juin 2000. Un président qui revendique sa liberté de parole. « Surtout pour parler de tout ce qui ne fait plus la une de l’actualité. Aujourd’hui, les humanitaires font un boulot indispensable en Angola, au Soudan ou au Liberia. Mais qui se soucie aujourd’hui de ce qui se passe dans ces pays ?
Le recours à la force militaire est toujours une décision d’une extrême gravité qui ne doit réjouir personne. Et la légitimité des Etats-Unis pour le faire n’est pas aujourd’hui remise en question. Dès lors, l’habillage humanitaire est-il à ce point nécessaire pour rendre cette opération militaire acceptable? Depuis l’annonce des premiers bombardements sur l’Afghanistan, les mots «militaire» et «humanitaire» sont employés à l’unisson. La rhétorique caritative est utilisée d’emblée par les responsables politiques et les états-majors militaires.
Placés délibérément sur le même plan, ces deux modes d’action entraînent une confusion que nous ne pouvons, une fois de plus, laisser s’installer sans réagir.
Il est très important de ne pas mélanger à dessein deux démarches non exclusives mais qui ne peuvent être confondues: l’action humanitaire indépendante, d’une part, et l’intervention militaire aux stratégies géopolitiques évidentes, d’autre part.
L’action humanitaire, telle que nous l’entendons, est menée pacifiquement. Sa préoccupation première est la protection et l’assistance des populations civiles. Elle n’est jamais un instrument qui donnerait l’avantage à une partie. A partir de son action, elle dénonce les atteintes à l’intégrité ou à la dignité de la personne, faisant ainsi acte de témoignage. La guerre, ou l’intervention armée, même habillée d’humanitaire, peut être juste sur le plan de la morale, surtout lorsqu’il s’agit de démanteler des réseaux terroristes nihilistes aux capacités destructrices massives, mais elle ne relève en aucun cas de l’action humanitaire.
Tuer ou vouloir tuer, même de façon «chirurgicale», même pour sauver plusieurs centaines de milliers de personnes, ne saurait être qualifié d’humanitaire. La guerre vise toujours à s’assurer un rapport de force qui donne avantage à son camp. Et il paraît ridicule d’avoir à le rappeler, mais il n’y pas de guerre sans propagande, et l’utilisation de la souffrance comme de l’«humanitaire» n’est qu’un moyen de la guerre. Il ne faut pas confondre à ce point les acteurs et les rôles.
Les armées obéissent à des ordres émanant des Etats découvrirait-on ici la raison d’Etat? , et leurs logiques ne sont pas les mêmes. Tantôt elles peuvent être favorables à l’action humanitaire (quand leur présence permet d’assurer une meilleure sécurité ou d’acheminer de l’aide par leur puissance logistique), tantôt préjudiciables (départ des Nations unies du Rwanda au début du génocide, impuissance des Nations unies à Srebrenica, stratégie aérienne de l’Otan ne protégeant pas les populations civiles au Kosovo, etc.)
Comment peut-on faire croire que le fait de recourir à la force, en l’occurrence pour démanteler des réseaux terroristes protégés par le pouvoir taliban en Afghanistan, peut conduire à attribuer un label «humanitaire» à des stratégies, des intérêts, un calendrier et des options décidées par un état-major en fonction de l’intérêt des Etats dont ils dépendent?
Mais, au-delà de cette question de principe, l’histoire récente de l’Afghanistan et la situation actuelle de la population sont très particulières.
Rappelons-le, plus du quart de la population afghane menacée par la malnutrition est directement dépendant de l’aide humanitaire. Plus de 3 millions de personnes ont déjà fui le pays, tandis qu’un autre million s’est déplacé à l’intérieur des frontières. Des villages entiers ont déserté les régions déjà frappées par les combats et la sécheresse qui sévit depuis trois ans. Nous l’avons déjà dit, le pays est exsangue, la population en état de survie. La situation actuelle ne peut qu’aggraver encore le sort de ces populations, captives d’un régime taliban qui nie les plus élémentaires des droits de la personne.
Les programmes que développe Médecins du monde, et d’autres ONG, en Afghanistan depuis vingt ans, à Kaboul, à Herat, dans la vallée du Pandjshir, de part et d’autre des lignes de front, sont une action restée longtemps bien loin des feux médiatiques, mais qui a su néanmoins se créer un espace humanitaire distinct et autonome. L’alerte que nous avons lancée au mois de juin dernier sur la situation de détresse extrême de la population afghane en est une illustration.
Pouvoir reprendre nos activités dans ce pays est une urgence. Or la manipulation intellectuelle et médiatique visant à confondre humanitaire et militaire expose l’action humanitaire, libre et indépendante, à la suspicion: celle d’appartenir aux forces d’intervention armées, et donc susceptible d’être ressentie par une partie de la population comme ennemie.
Elle complique ainsi encore un peu plus notre tâche déjà bien difficile dans cette région, la rend plus aléatoire et risque de limiter encore nos capacités d’intervention.
Il est donc important, dans l’intérêt des populations que nous cherchons à secourir, de mettre un terme à cet exercice de rhétorique qui n’est qu’un argument de propagande
Le récent débat autour de la réglementation des raves a fait couler beaucoup d’encre. Il a parfois semé la confusion sur la nature et le rôle de Médecins du monde dans les raves. Les questions sont systématiquement les mêmes: que fait vraiment Médecins du monde dans ces free parties? Qu’est-ce qu’une organisation médicale humanitaire, qui intervient «d’ordinaire» sur les champs de bataille du monde entier ou à l’occasion de catastrophes naturelles, vient faire dans ces fêtes techno? Cette présence ne cautionne-t-elle pas les raves non autorisées et surtout les drogues qui y circulent? Et, fatalement: que penser de feu l’amendement Mariani?
L’intervention des «missions rave» de Médecins du monde en milieu festif est à replacer dans l’engagement de l’association dans la réduction des risques liés aux usages de drogues, c’est-à-dire se proposer de limiter dans la mesure du possible les risques et les dommages sanitaires liés à l’usage de drogues, plutôt que de se fixer l’objectif utopique d’un monde sans drogue.
Dès 1989, l’intervention de Médecins du monde auprès d’usagers de drogues avait déjà posé question: ne favorisions-nous pas l’usage de drogues en distribuant des seringues? N’étions-nous pas des «dealers» en blouse blanche en proposant de la méthadone? Ne baissions-nous pas les bras face à la drogue? Dix ans plus tard, les réponses sont là: les overdoses ont été divisées par trois, les contaminations ont chuté, les usagers meurent moins et sont mieux soignés, il y a moins de violences liées aux opiacés, les messages de prévention circulent…
Au printemps 1997, devant le constat d’un comportement spécifique des usagers de nouveaux types de drogues, dites «drogues de synthèse», Médecins du monde décide de mener aussi une action dans les raves. Pourquoi? D’abord à cause du contexte d’illégalité et de clandestinité dans lequel ont lieu ces fêtes, qui explique l’absence d’intervenants sanitaires d’ordinaire présents dans toute manifestation publique. Rassembler un nombre important de participants induit mécaniquement des situations de vulnérabilité. Ensuite, le monde de la «techno» draine une population jeune, très hétérogène, surtout intégrée (étudiants, salariés de tous secteurs), quelquefois marginale et parfois en rupture avec le dispositif médico-social. Pour ces derniers, une présence de première ligne permet un contact qu’ils n’ont pas ou plus ailleurs.
Enfin, l’utilisation de nouvelles drogues néces site de suivre, de documenter et d’évaluer l’évolution et l’impact de ces comportements qui peuvent présenter certains risques. Les principes de l’action restent les mêmes: refus de nier la consommation de drogues, crédibilité apportée à ceux qui diffusent les messages de prévention et d’information, intervention au plus près des usagers dans le même lieu au même moment, rôle essentiel des usagers et des associations d’autosupport, présence sanitaire sur les lieux festifs d’autant plus nécessaire que les événements ne sont pas autorisés (free parties).
En allant dans les raves, Médecins du monde assure donc une présence sanitaire permettant en particulier de gérer les urgences, qu’elles soient liées à la consommation de produits ou non (chutes, brûlures, accidents psychiatriques aigus sous produit, déshydratations, hyperthermies…); de pratiquer un «contrôle rapide des produits» pour informer des risques encourus et établir un contact avec les usagers; de diffuser des messages de prévention sur les moyens de limiter les risques liés à l’usage des produits, sur les maladies sexuellement transmissibles, la conduite des véhicules, l’exposition prolongée aux volumes sonores poussés; d’apporter les premiers soins, si nécessaire; d’étudier, enfin, en partenariat avec les services hospitaliers de toxicologie, les produits circulant à l’occasion de ces événements, pour élaborer des messages de prévention fiables.
Il est toutefois clair que ce mode d’intervention pose question:
1 La mauvaise réputation de la techno a, dès 1995, fait l’objet de toutes les attentions des pouvoirs publics, rendant pratiquement impossible l’organisation de raves officielles. C’est ce qui a induit l’organisation d’événements non autorisés dans des lieux parfois dangereux. Nous savons par expérience que le confinement des usagers dans la clandestinité et l’exclusion aggrave les risques; l’épidémie de sida nous l’a montré, au prix de nombreuses vies humaines.
2 Nous savons que les terrains publics ou privés sont investis sans autorisation et qu’ils peuvent parfois subir des dommages. Nous déplorons qu’il ne soit pas jugé préférable de trouver les moyens d’organiser ces événements dans un minimum de concertation.
3 La consommation de drogues est visible dans ce type d’événement. Notre présence ne la cautionne pas pour autant. Nous informons sur les risques liés aux usages de produits et nous intervenons auprès des personnes qui s’y sont exposées. C’est justement parce que cette consommation est reconnue et qu’elle est visible qu’il est possible d’intervenir, d’en prévenir l’usage, d’en éviter les abus ou d’en gérer les conséquences. La «scène techno» est l’une des seules à avoir intégré la réduction des risques, permettant la présence d’associations comme la nôtre. La visibilité qui permet d’intervenir devient le prétexte à la stigmatisation. Un médecin ne juge pas, il soigne, il informe, il accompagne s’il le faut. Tous les parents savent qu’ils ne peuvent prétendre tout contrôler de la vie de leurs enfants. Les jeunes rencontrés dans les raves sont ces enfants-là: pour eux, pour leurs proches, mieux vaut une présence médicale plutôt que rien.
4 Il n’y a pas de «bonnes» drogues. Le contrôle rapide des produits, qui permet de déterminer partiellement les familles de substances psychoactives, représente un des outils pour informer sur un minimum d’identification des consommations et des produits. L’information sur la nature et les effets des drogues est fondamentale: informer, c’est responsabiliser sur les dommages associés à telle ou telle consommation. Nous ne délivrons pas de permis de consommer, nous ne prônons en rien l’«extase sous contrôle médical», nous informons les personnes sur les risques qu’elles encourent, afin de les éviter ou les minimiser.
Avec la publication du livret Drogues: savoir plus, risquer moins, en 2000, la Mildt (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie) a cherché à mettre en avant autre chose que la politique de répression qui a longtemps prévalu en matière de drogues. L’Etat a donc sensiblement modifié son attitude envers les usagers de drogues et soutient l’ensemble des programmes de réduction des risques conduits par Médecins du monde. C’est pourquoi le fameux amendement Mariani ou tous ceux qui lui ressembleraient nous semblent en décalage, voire en rupture avec la stratégie actuelle.
Qu’est-ce qui rend, finalement, le mouvement techno si inquiétant?
L’usage de drogue? Il y a bien d’autres endroits où cet usage est pratiqué, qu’on le veuille ou non: plus de 7 millions de personnes ont déclaré avoir fait au moins une fois usage de drogue dans leur vie. Les ravers ne sont pas les seuls concernés, mais quasiment les seuls à accepter une action de réduction des risques. La question se pose dans un tas d’autres endroits qui ne sont pas tous «ouverts» aux interventions. Les boîtes de nuit ou autres clubs, techno ou non, en sont de bons exemples; il est avéré que la consommation de substances psychoactives fait partie des milieux de la nuit, qui ne font pourtant l’objet de presque aucune action de vigilance en matière de drogues ou d’alcool.
Les tas de poubelles, l’investissement de propriété? Sans doute, et nous comprenons bien le sentiment légitime des propriétaires, qui paient finalement les conséquences de l’absence de solutions réalistes et pragmatiques.
Le changement d’attitude qu’aurait signifié l’adoption d’un amendement répressif serait venu trancher avec les politiques de réduction des risques soutenues par la Mildt et le ministère de la Santé. Sans cautionner quoi que ce soit, il s’agit, pour Médecins du monde, par la recherche d’une gestion pacifique de ce type d’événements, d’un impératif de santé publique.
La raison d’Etat a fini par l’emporter pour Pinochet. Et les péripéties politico-médicales consternantes de ces dernières semaines atteignent, une nouvelle fois, les victimes, leurs parents, leur mémoire. Face à cette décision, la déception de ceux qui défendent le devoir de justice est unanime. Mais il faut savoir que ces dix-huit mois de procédures n’auront pas été vains. Les langues se sont déliées. La mémoire est revenue ici en Europe et aussi au Chili. Le précédent est là, la jurisprudence existe. Et son application ailleurs ne s’est pas faite longtemps attendre.
Le 3 février 2000, le juge Kandji, doyen des juges d’instruction du tribunal de Dakar, a inculpé Hissène Habré, ancien chef d’Etat tchadien, pour «complicité d’actes de torture». Pour la première fois, un ancien chef d’Etat africain est inculpé, à l’étranger, pour des atrocités commises dans son pays, du temps où il exerçait le pouvoir. Ouvrant en même temps une information judiciaire contre X «pour disparitions, crimes contre l’humanité et actes de barbarie». La justice pourra aussi permettre de reconstituer le système de répression du régime d’Hissène Habré et établir ainsi la chaîne de responsabilités. De 1982 à 1990, durant les huit années où il exerça le pouvoir dans ce petit pays de 7 millions d’habitants, 200 000 cas de tortures et 40 000 morts, victimes de la terreur officielle, ont été recensés par les organisations internationales. Hissène Habré va ainsi devenir le dictateur par qui l’histoire politique de l’Afrique amorce un tournant majeur. La juridiction sénégalaise, saisie d’une plainte de ressortissants tchadiens soutenus par plusieurs associations de défense des droits de l’homme, vient de donner une suite favorable. Le Sénégal donne l’exemple. Le juge Kandji a fait au Sénégal l’équivalent de ce qu’a fait le juge Garzon en Espagne: se reconnaître compétent pour une affaire relevant de crimes contre l’humanité.
Il s’agit d’une étape importante. Le travail de mémoire et de justice ne doit pas être l’apanage imparfait des pays riches. L’Afrique, qui a payé et continue de payer un si lourd tribut à la culture de l’impunité, n’est donc pas coupée des progrès actuels que connaît la justice internationale. La mise en place, par les pays les plus puissants de la planète, d’«un certain ordre mondial» et la défense à géométrie variable de ses «valeurs universelles» ne s’est pas faite sans confusion et arrière-pensées. Cet événement contribue ainsi à construire les fondements indiscutables car désintéressés et transparents d’une véritable démocratie internationale.
Parce que nous savons que la lutte contre l’impunité constitue la base de tout traitement pour soigner ceux qui ont survécu, soulager les familles des disparus et pour rompre l’enchaînement de la violence, Médecins du monde milite depuis de nombreuses années pour que ce travail de justice ait lieu. Nous savons qu’il revient à la justice de
dire le crime commis et l’obligation de la réparation. C’est la première étape indispensable du processus de guérison individuelle ou collective. Seul le pouvoir judiciaire permet de désigner les responsabilités; c’est enfin un élément constitutif de la mémoire des peuples et l’instrument le plus fort pour s’opposer au négationnisme.
Aujourd’hui, les dictateurs sanglants déchus savent qu’ils peuvent être arrêtés et répondre de leur crime au-delà des frontières de leur pays. Et leur statut de chef d’Etat, au moment où ces crimes étaient perpétrés, ne pourra être, pour eux, une raison d’impunité. Ainsi, pas à pas, avec difficulté et obstacles suscités par la raison d’Etat, la lutte contre l’impunité est en marche. Depuis 1990, chassé du pouvoir, l’ancien tyran tchadien coulait des jours paisibles dans sa retraite de Dakar. L’immunité qui défiait la justice, outrageait les victimes et offensait l’humanité n’est plus de mise” La peur change de camp.
Malgré la décision prise aujourd’hui par le gouvernement anglais de libérer Pinochet, l’épisode judiciaire n’aura pas été qu’un exercice juridique symbolique. La justice pénale avance inexorablement.
Stand Up For African Mothers, 2015
ton investissement auprès des autres t’honore ici à MdM, à Bizet, et ailleurs, en musique…
rejoignant Jacques L et Jacques F, tu es parti trop tôt. Véronique
Le départ définitif de Claude tourne une page de Mdm, marquée par une époque tumultueuse dans les débats et les forces vives de ses acteurs. Claude, malgré les adversités a su tenir le guidon des instances de l ‘association. Il incarnait par sa simple présence une force d’ intervention efficace et rassurante pour les militants de base dont je faisais partie. Notre association lui doit beaucoup et je ne l ‘oublierai pas.
Pierre Beze-Beyrie Toujours militant de base
De vrais échanges qui allaient à l essentiel . Une écoute attentive et bienveillante . Beaucoup d humanité . Dans un regard et un sourire lumineux qu on ne peut oublier . Au revoir Claude , avec tristesse .
Un personnage attachant, intelligent et compétant toujours avec un sourire de bonté, artiste à ses heures.
Je suis de tout coeur avec sa famille
Patricia LECLERC délégation Ile de france
Salut Claude, il reste ta chaleur et ton sourire, et sans doute bien d’autres choses..
Souvenirs émus d’un compagnon engagé, subtil, généreux, bienveillant, lumineux m et serein même dans des situations de terrain delicates…
Un compagnon attentif et généreux
Un médecin dévoué aux autres toute sa vie
Je me souviendrais d’un visage radieux