À fond de Calais
Marion Oudar, 24 ans, diplômée de Sciences Po Paris spécialité humanitaire. Bénévole à Médecins du Monde, mission migrants Calais.
La Boussole: Quel est ton engagement au sein de MdM ?
Marion Oudar : Je suis en lien avec Médecins du monde depuis ma mission au Kenya en janvier 2013. À l’époque, je travaillais pour Waha international, une ONG spécialisée dans la santé maternelle qui avait un partenariat avec Médecins du Monde pour la réhabilitation et la gestion de l’hôpital de Dadaab. Après cette expérience au Kenya, j’ai travaillé bénévolement au siège de MdM pour la revue humanitaire. Et, depuis le mois de juillet 2014, suite à l’obtention de mon diplôme, j’ai voulu continuer mon engagement au sein de la Mission Migrants à Calais.
LB : Connais-tu la Charte de Dunkerque ?
M.O : Je l’ai lue avant de m’engager à Calais et j’adhère totalement à ses valeurs.
J’ai tenu à m’engager bénévolement part rapport à mes valeurs. En tant que future professionnelle de l’humanitaire, travailler sur la mission à Calais est l’occasion de mettre à profit ce que je sais faire. Donner pour l’autre et aider l’autre, c’est le cœur de l’action humanitaire et l’engagement peut se faire indépendamment d’une relation à l’argent. Cependant, je souhaite faire de l’humanitaire mon métier, j’ai 24 ans et j’aurais donc nécessairement besoin d’un salaire pour vivre. Mais, lorsque je serai à la retraite, alors oui, je ferai à nouveau du bénévolat aussi longtemps que ma santé me le permet.
LB : Comment as-tu connu Médecins du Monde ?
M.O : Avant de partir au Kenya, je connaissais déjà MdM, je savais qu’ils étaient très engagés, très présents à l’international mais je ne connaissais pas leurs actions dans le détail. Depuis le Kenya, je me tiens au courant des différents programmes de MdM en France (les Roms, la prostitution, la toxicomanie) et à l’étranger via les réseaux sociaux, la presse, les brochures et le site.
LB : Quelle richesse trouves-tu dans ton action ?
M.O : L’échange est très important avec les migrants. Certes, il y a toujours une barrière de la langue, mais dès lors que la confiance s’installe, au bout de quelques minutes, ils se dévoilent plus facilement et cette barrière tombe rapidement. L’aide matérielle que nous offrons à Calais est une chose mais l’échange humain reste primordial. Blaguer, discuter, écouter de la musique lorsque nous emmenons les personnes à l’hôpital apporte un peu de chaleur humaine.
LB : Quels sont les moments les plus durs ?
M.O : Le plus dur, c’est d’entendre toute la reconnaissance qu’ils ont envers nous pour le peu de choses qu’on leur offre. L’autre jour, dans le camping car de MdM, des jeunes femmes nous ont remerciés longuement parce qu’elles avaient pu prendre une douche. C’est difficile à entendre car on voudrait en faire tellement plus. La reconnaissance qu’ils nous portent est sincère mais parfois démesurée et cela me touche beaucoup.
LB : Et les frustrations sur le terrain ?
M.O : Lorsqu’on fait une distribution de fourniture (tentes, duvets…) le nombre de migrants varie tellement que parfois, le stock ne suit pas. On distribue sept tentes alors qu’il en faudrait quinze. Ce n’est pas vraiment une erreur, c’est lié au contexte. Parfois, on se retrouve dans l’embarras car les demandes s’avèrent rapidement très nombreuses mais on ne peut pas faire autrement.
LB : Quelle est ton activité en dehors de MdM ?
M.O : Je vis à Arras et je prends le train trois jours par semaine pour me rendre à Calais. Je n’ai donc pas le temps d’avoir une autre activité. Mon engagement est à 100 % pour MdM auprès des migrants de Calais.
LB : Souhaites-tu faire passer un message aux autres membres de MdM ?
M.O : Les actions que mènent MdM sur le terrain à Calais sont fabuleuses. Mais au vu du contexte international et de l’afflux de migrants, elles paraissent souvent insuffisantes. MdM est déjà très présent dans plusieurs villes du nord de la France (Dunkerque, Saint-Omer, Calais…) mais il est vrai qu’à Calais, la situation est de plus en plus dramatique. Pour que l’action soit pérenne, MdM pourrait s’engager à temps plein sur le terrain, avoir une équipe dédiée cinq jours par semaine à Calais. Certes, cela impliquerait un budget plus conséquent mais nous pourrions ainsi avoir une meilleure coordination avec les associations et un meilleur suivi des migrants.
Propos recueillis par Sarah Alcalay