Témoignages // Hommages // Mémoire
J’avais un peu perdu de vue Jean-Pierre, modèle de l’honnête homme. Sa très grande humanité, son engagement au coté des usagers de drogues, sa pédagogie et sa vision politique, tout cela — et j’en oublie ! — en faisait un modèle à suivre. Il aurait été sans doute très agacé de lire cela, mais ça n’est pas grave.
Je l’ai connu en 1995, dans le cadre du partenariat AIDES-Médecins du Monde-Mutualité française, sur la communication duquel je travaillais à l’époque. Jean-Pierre a été le pédagogue, au plan technique et au plan politique, qui m’a permis de comprendre les enjeux de la réduction des risques face aux drogues. Contrairement à beaucoup de personnes rencontrées à ce moment-là, il n’a jamais été une diva et, modeste et efficace, il creusait son sillon. Je me souviens de lui, répondant à une interview de Frédéric Lopez, à l’époque journaliste à LCI, avec autant de conviction que s’il animait un meeting ou militait auprès d’un ministre.
Jean-Pierre a aussi été mon médecin généraliste, lorsque j’habitais le 14e arrondissement, près de son cabinet, et c’était aussi un extraordinaire médecin de famille, avec encore cette humanité extraordinaire. Lorsque j’ai rejoint la mission de l’OSCE au Kosovo, c’est Jean-Pierre qui a tout préparé au plan médical, qui m’a vacciné contre à peu près tout, m’a préparé une liste de médicaments me permettant de survivre à à peu près tout — et j’ai effectivement échappé à tout, grâce à lui, et du coup, on a remis cela quand j’y suis reparti, avec les Nations Unies, cette fois.
Travaillant désormais dans les institutions européennes, j’ai souvent pensé à lui lors de débats houleux avec des ONG humanitaires ou simplement de la société civile, en me disant que j’aurais voulu l’avoir en face, loin des discussions vaines et peu productives auxquelles il m’est arrivé d’assister. Vous n’avez pas besoin de moi pour savoir à quel point sa voix manquera lorsqu’il sera nécessaire de soutenir des politiques efficaces liées à l’usage des drogues. Mais vous savez aussi que ce sont des gens comme Jean-Pierre qui rendent l’engagement humanitaire exceptionnel, et pas à temps partiel… J’ai été heureux de le rencontrer et il fait partie de mes modèles, avec sa tignasse et son regard si particulier, mais surtout ce cœur immense et cette chaleur hors du commun. Que la terre lui soit légère.
François Théron