En 2016, environ 4 000 hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) ont été dépistés dans le cadre du programme de réduction des risques de Médecins du Monde à Yangon, en Birmanie. Aujourd’hui, 800 hommes bénéficient des traitements anti-rétroviraux proposés par l’organisation. Les travailleurs pairs et les éducateurs membres des équipes de MdM se rendent sur le terrain pour sensibiliser cette population aux maladies sexuellement transmissibles. HSH ou travailleurs du sexe masculin sont, au demeurant, une population difficile à identifier : peu de lieux sont destinés à cette communauté.
Pour mener à bien leurs mission de préventions des risques, les équipes de terrain de MdM sont en lien avec des personnes ressources du territoires qui appartiennent à la population concernée : des membres de la communauté HSH, des propriétaire de bars, de salon de massages ou de soins. Au Nord de Yangon, nous rencontrons Shine, quarante-six ans, propriétaire d’un salon de coiffure.
J’ai ouvert ce salon de coiffure il y a vingt-trois ans, avec un ami. Ici, chacun est le bienvenu.
Nous proposons différents soins – la coiffure et la coupe pour différentes occasions – mais également du maquillage. Nos clients sont majoritairement des femmes et des personnes de la communauté HSH. Nous sommes trois à travailler. Souvent, les femmes s’occupent des clientes, et les hommes, des clients. Généralement, les femmes viennent la journée et les hommes viennent le soir, après 19h. C’est un moment où cette clientèle aime se retrouver. Il y a peu d’endroits réservés aux personnes gays à Yangon.
Je travaille avec MdM depuis une quinzaine d’année.
Dans mon salon, je distribue des préservatifs et des brochures sur les modes de transmission des différentes maladies sexuelles. Cela suscite le débat : nous échangeons sur les informations de prévention, nous parlons de nos expériences. C’est en parlant de ces sujets que les pratiques peuvent changer et cela permet de faire connaître les services de MdM. Pour ma part, je vais régulièrement me faire dépister à la clinique, notamment pour le HIV, et j’encourage les autres personnes à en faire autant.
La population HSH est particulièrement touchée par le sida ; la majorité d’entre eux ne se faisant pas dépister, ils ignorent qu’ils sont malades. Les équipes de terrain de l’organisation viennent une ou deux fois par mois pour apporter du nouveau matériel de prévention et échanger sur la situation dans le quartier. Nous discutons aussi des pratiques. Par exemple, de plus en plus d’HSH utilisent des préservatifs, mais rarement durant des rapports buccaux-génitaux. C’est pourquoi il faut continuer d’informer les gens.
La communauté LGBT est un petit milieu à Yangon, et n’est pas aussi influente que dans d’autres pays.
Une vidéo a récemment été réalisée pour combattre les préjugés liés à l’homosexualité. De nombreuses stars birmanes y ont participé. C’est ce type d’initiative qui peut contribuer au changement de mentalité de la société civile car beaucoup de gens continuent de penser que les personnes ayant des relations avec une personne du même sexe ne sont pas normales.
De mon côté, je préfère généralement me tenir à l’écart de ces problématiques. Je sais que beaucoup d’HSH font partie de groupes d’entraide pour faire avancer les choses dans la communauté. Ces groupes sont constitués d’HSH, mais aussi de travailleurs du sexe, ou de personnes atteintes du VIH : ils luttent et s’organisent entre eux pour permettre une évolution des droits, des services et aussi des pratiques. Moi je distribue des préservatifs et de l’information, c’est ma contribution. Je préfère rester dans mon magasin, loin de ces questions. Les HSH qui viennent dans mon salon sont pour la plupart des amis. Ils trouvent autre chose ici, quelque chose qu’ils ne trouvent pas ailleurs. Nous avons beaucoup d’affection les uns pour les autres, nous sommes solidaires et cela nous suffit.
Nous n’avons jamais eu de problème avec le voisinage. Ce quartier est celui où j’ai grandi, je connais tout le monde. Je ne me suis jamais véritablement senti stigmatisé en raison de mon orientation sexuelle. Mais nous sommes parfois victimes de commérages et de rumeurs. Il n’y a pas très longtemps, à l’hôpital, la personne en charge du nettoyage que je connaissais a fait courir la rumeur de ma séropositivité. Est-ce qu’elle le croyait vraiment ? Est-ce que c’était pour me nuire ? Je ne sais pas, mais cela est arrivé aussi à d’autres amis. Il y a certainement une méconnaissance de la population sur le HIV et la communauté HSH qui crée des amalgames.
Dans quelques années, j’aimerai devenir moine bouddhiste.
J’ai toujours pu compter sur le soutien de mon entourage, et je voudrai pouvoir leur rendre ce qu’ils m’ont apporté. Etre moine est pour moi un don de soi. Si un jour je gagne suffisamment d’argent, j’aimerais ouvrir un centre de méditation et accueillir principalement des personnes gays.
A quelques minutes du salon de Shine, Kori, également membre de la communauté HSH, est un acteur du territoire. L’approche communautaire est une méthode valorisée par les équipes de MdM à Yangon. Éducateurs et travailleurs pairs de l’organisation entretiennent des relations régulières avec des HSH, travailleurs du sexe ou non, qui sensibilisent leurs propres réseaux et leurs proches, renforçant leurs capacités d’agir.