Merci au Funambus, bienvenue à Paloma

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Après le Funambus, programme de RdR auprès des travailleuses du sexe (TdS) ouvert en l’an 2000 à Nantes, une stratégie d’empowerment et un transfert d’activités rigoureusement planifiés, l’association Paloma est née au mois d’avril. De passage à Paris à l’occasion des Journées des missions 2017 au siège de MdM, Irène, Maïwenn, Gabriella et Paul, actrices.eurs et témoins de la naissance de l’association, décrivent les étapes et les spécificités de ce transfert réussi.

Paul Bolo

Médecin de formation, Paul rejoint MdM à Nantes en 1988. Il a été responsable du programme échange de seringues de 1993 à 1999, puis du Funambus.
Paul est aujourd’hui responsable du programme carcéral à Nantes. 

Irène Aboudaram

Militante de la lutte contre le sida depuis le milieu des années 90, Irène intègre MdM Nantes en 2006 après des passages à l’international et au siège.
Coordinatrice générale du programme Funambus en binôme avec Paul, Irène est à présent coordinatrice générale du programme carcéral. 

Gabriella Ota

Animatrice de prévention sur le Funambus, Gabriella est aujourd’hui intervenante terrain pour Paloma.

Maïwenn Henriquet

Intervenante santé sur le Funambus, Maïwenn coordonne aujourd’hui Paloma.

De l’échange de seringues à Paloma

Sur notre programme d’échange de seringues (PES) initié en 1995 et transféré à des professionnels d’un centre de soins spécialisés aux toxicomanes (CSST) en 1999,  les équipes rencontraient des hommes et des femmes faisant part de leurs pratiques d’échanges sexuels tarifés. Selon son modèle participatif, MdM a proposé un questionnaire aux personnes concernées pour identifier leurs demandes. Un programme auprès des TdS a été créé pour y répondre. En octobre 1999, l’équipe a commencé avec deux tournées à pieds par semaine. En avril 2000, l’acquisition d’un bus et son aménagement dédié inscrivent le début des tournées du Funambus. Initialement créé pour les Nantais.es, le programme évolue en 2002 avec l’arrivée de femmes d’Europe de l’Est et d’Afrique anglophone. Cette aventure partant d’un PES au transfert actuel du Funambus à Paloma illustre notre forte évolution et les modifications de process révélateurs du parcours de MdM.

Paul

La Loi de Sécurité Intérieure (LSI) en 2003, puis la loi de pénalisation des clients de 2016 ont été des étapes importantes : elles ont permis à MdM d’élargir son action de rue à un travail avec des collectifs français et européens. Elles ont également été l’occasion de donner directement la parole aux personnes concernées.

Paul

Un transfert programmé en douceur

De 2000 à 2013 l’équipe du Funambus a exercé une autocritique permanente et constructive de ses pratiques. C’est en 2014 que la programmation du transfert est devenue une priorité, un objectif à part entière. Une réflexion globale se dessinait à MdM, tout particulièrement au sein du groupe LSD, sur le sens des programmes et de leur fin. Trois questions se sont imposées : que doit on maintenir ? Que peut-on transférer ? Comment accompagner les équipes ? Le programme aurait pu perdurer encore une vingtaine d’années.
Aujourd’hui, les bénévoles ont perdu en “pouvoir” mais gagné en cohérence : ils ont tous (une vingtaine) « basculé » ensemble dans la nouvelle manière de travailler, c’est là un grand succès. 

Irène et Paul

La dynamique du transfert nécessitait un dispositif mettant les personnes concernées au cœur des décisions. Tout en capitalisant sur les quinze années d’action MdM en France et à l’international avec, notamment, la formalisation d’un texte de positionnement. L’enjeu était de garder la qualité de nos pratiques, de laisser la place à des initiatives hors MdM et que les bailleurs continuent à nous suivre. Nous nous sommes inspirés des transferts réussis des bus méthadones que nous avions à Marseille et à Paris. Tout cela demande du temps, nous le savions. Nous avions prévu cinq ans. Il nous en a fallu quatre.

Irène

Un bel exemple de militances personnelles

Maïwenn a accepté de démissionner, Gabriella qui avait intégré MdM pour un an est passée à une autre structure, en reprenant le poste de Maïwenn. Une vraie réflexion à mener sur les équipes bénévoles et salariées, il n’est pas banal de détruire un dispositif qui fonctionne bien !

Pour les personnes rencontrées sur le programme, seul le nom change. Gabriella et Maiwenn sont devenues salariées de Paloma mais maintiennent le même type d’actions. La mise à disposition du local et de l’unité mobile par MdM est essentielle compte tenu du budget de Paloma. Le siège reste également très actif sur les aspects juridiques et administratifs.   
Paloma va créer sa propre identité dans les mois à venir quand elle commencera à définir de nouvelles orientations. Pour l’instant, ce qui  fonctionne reste en place : “l’aller vers” la nuit, l’accueil de jour, la mise en confiance, la confidentialité et le professionnalisme. Des pistes se dessinent telles que des cours de Français compatibles avec les horaires de travail des TdS, aller vers celles qui travaillent sur internet…

Maïwenn

Un des objectifs de Paloma est de donner une place décisionnaire aux TdS. Aujourd’hui, elles sont quatre au conseil d’administration. Nous espérons que l’association deviendra de plus en plus communautaire. Quand nous avons commencé à réfléchir au transfert, nous avons d’abord envisagé que les femmes créent leur propre association mais cela s’est avéré impossible. Nous avons alors commencé par recruter des TdS sur le Funambus : Teodora, d’origine roumaine, puis Gabriella, nigériane. Le lien avec les personnes concernées a radicalement changé. Elles ont pu poser des questions qu’elles n’auraient jamais osé avant, notamment des jeunes femmes qui viennent d’arriver et débutent dans la rue …  

Maïwenn et Gabriella

Une réorientation de nos champs d’action

Nous rencontrons des profils très variés tout au long de la semaine. Les TdS ne viennent pas forcément tout de suite. Parfois elles doutent, parfois il leur faut du temps pour prendre leurs marques, comprendre les fonctionnements. Certaines viennent juste pour la carte vitale, d’autres pour un courrier. Il y a aussi des femmes que nous n’avons jamais vu dans la rue, qui viennent à la permanence et que l’on va voir ensuite la nuit. Le relais se fait dans les deux sens.

Même si MdM et Paloma sont connus, il faut continuer les tournées : on constate que la file active se renouvelle en permanence . En ce moment, il arrive de nombreuses personnes très jeunes. Nous devons continuer à aller vers elles…

Gabriella et Maïwenn

Lors des premières rencontres, le lien s’installe naturellement avec les femmes qui connaissent déjà Gabriella, qui savent qu’elle travaillait dans la rue. Avec les autres TdS, Gabriella commence systématiquement par se présenter parce que cela facilite les échanges et, surtout, la confiance. Les personnes craignent toujours des liens avec la police ou avec le gouvernement. Que Gabriella soit migrante et ex-TdS les rassure.

Gabriella

Nous orientons les personnes concernées vers le droit commun ou vers d’autres associations. L’idée n’est pas de créer des dispositifs spécifiques (en dehors des dispositifs d’ « aller vers ») au TdS mais plutôt d’expliquer les fonctionnements en France, accompagner dans les démarches administratives pour qu’elles aient accès aux structures de santé – notamment pour le dépistage et la contraception – à des travailleurs sociaux… en tant que citoyennes comme les autres. Parfois il faut débloquer des situations, d’autres fois il faut traduire ou créer du lien avec les professionnels par un travail de médiation. Le principe est d’expliquer sans “faire à la place de” pour que la personne puisse y aller toute seule par la suite. On ne remplit jamais un formulaire pour quelqu’un par exemple.

Maïwenn 

Les personnes migrantes ne connaissent pas notre système de santé. Dans l’ « aller vers », la posture de réduction des risques et le champ de la santé nous permettent de créer du lien plus facilement avec elles. Nous animons des groupes de discussion la nuit dans le bus. En général, elles montent à plusieurs. Nous lançons des discussions libres concernant la transmission du VIH, les traitements, les préservatifs ou des échanges de pratique sur la sécurité. En journée, Gabriella propose des entretiens individuels autour de thématiques médicales, sociales et juridiques. Son travail consiste à amener les échanges sur la santé même si la personne n’est pas venue avec cette demande spécifique, comme simplement pour comprendre une lettre, par exemple. Gabriella propose des frottis, des tests de dépistages de la tuberculose, informe sur les vaccins… Ce n’est pas toujours facile mais finalement ses explications suscitent un réel intérêt.

Maïwenn et Gabriella

Notre prochain enjeu de plaidoyer : le « parcours de sortie de prostitution »

Quand Gabriella travaillait dans la rue, la violence était moins omniprésente. Depuis un an, les agressions se multiplient, sur toutes les tournées de nouveaux témoignages tombent. Dernièrement, Paloma s’est associée au programme de MdM “Tous en marche contre les violences“, initié par le Lotus Bus. Les personnes agressées n’osent pas porter plainte par peur de la police, souvent à cause des papiers. Nous sommes très préoccupées par la recrudescence des violences. L’idée est de mieux comprendre les obstacles, pourquoi une personne ne souhaite pas porter plainte. Nous avons fait venir des avocats sur certaines tournées afin qu’elles puissent poser toutes leurs questions selon leur situation. C’est l’occasion de clarifier qu’il est possible de porter plainte en étant TdS et sans papiers, pour qu’elles prennent leur décision en toute liberté et connaissance des enjeux. Nous restons prudents, tous les services de police ne sont pas forcément bien disposés, c’est pour cela que nous proposons des accompagnements, pour faire en sorte que la loi soit appliquée.

Gabriella et Maïwenn

Le travail de Paloma sur le terrain nous aide à porter une parole politique. Un an après le vote de la pénalisation des clients nous constatons, comme nous l’avions prévu, une forte augmentation de la précarité parmi les TdS qui exercent dans la rue. Et une recrudescence de la violence que nous essayons d’expliquer et d’analyser par le biais d’une réflexion inter-associative. Toutes nos prises de positions sont élaborées avec les TdS. Souvent, elles ne peuvent pas témoigner directement pour préserver leur anonymat. La stigmatisation est tellement forte…

Avant le vote de la loi de pénalisation des clients, les personnes soi-disant « protégées » en redoutaient les conséquences. Aujourd’hui, en effet,

en quelques secondes elles doivent prendre la décision de partir ou non avec le client qui leur demande souvent de travailler dans des lieux plus éloignés, moins éclairés et moins passants. Leurs temps de négociation est réduit voire inexistant car le client met la pression pour partir vite et ne pas risquer d’être vu par la police.

La mise en place du second volet de la loi, le volet social « parcours de sortie de prostitution » est notre enjeu commun de plaidoyer actuel. Paloma va jouer un grand rôle.

Maïwenn

Un partenariat à consolider autour d’une véritable coalition de causes communes

L’enjeu est à présent de construire un partenariat solide, que Paloma puisse rester sereine, que personne ne se sente abandonné. L’association « fille » doit continuer à bénéficier de la qualité de nos pratiques pendant qu’elle nourrira notre plaidoyer grâce à une véritable coalition de causes communes, notamment le combat contre la criminalisation des TdS. La maison nous accompagne : la direction des opérations France, le groupe LSD, le service juridique, les ressources humaines sont très présents.

Irène et Paul

 

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