Témoignages

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L’accueil au CASO

Le jeudi matin, nous avons passé près d’une heure à observer l’accueil du CASO. La salle d’attente ne désemplit pas. Les étrangers qui se présentent sont cap-verdiens, moldaves, philippins, ou comoriens. L’accueil est assuré par deux bénévoles (dont l’une est pneumologue mais ne peut pas, légalement, assurer des consultations généralistes).
Chaque patient qui se présente est d’abord brièvement accueilli, interrogé sur ses besoins, éventuellement renvoyé sur des adresses plus adéquates, et se voit attribuer un ticket avec un numéro.
Ce matin-là à l’accueil, était présente aussi une traductrice bénévole moldave. Les traductrices se relaient à l’accueil, et leurs jours de présence sont connus des patients.
Nous avons pu, pendant les deux jours, constater qu’il y avait des consultations généralistes, de kinésithérapie, de psychologie clinique, et qu’il y a toujours une synergie de ces consultations avec les entretiens effectués par l’assistante sociale. De l’accompagnement dans les droits au droit à la santé, la passerelle est toujours présente et proposée.

 

Les acteurs MdM

Sabine, assistante sociale, nous explique qu’il y a beaucoup de problèmes pour les sans-papiers. Le coût de la vie est extrêmement cher à Nice. Par exemple, un SMIC ne permet absolument pas d’y vivre. Nous avons posé la question de l’existence d’une mission sur la RdR, et notamment sur la prostitution. En fait, sur Nice, il existe une association extrêmement efficace, les Lucioles. Elle exerce un petit accueil médical, assure un suivi psychologique, et distribue aussi des préservatifs. La plupart des prostituées sur Nice sont nigérianes, avec des Bulgares et des Roumaines. Ici comme ailleurs, la pénalisation des clients a été une catastrophe. A priori, les Philippins et Philippines, dont le travail est prisé par la clientèle huppée, ne sont pas victimes d’esclavagisme et de séquestration. En revanche, ils occupent souvent de petits logements, à plusieurs où ils dorment par roulement. On rencontre aussi beaucoup de Tunisiens, jeunes diplômés qui ne s’en sortent pas dans leur pays du fait de la corruption, et que l’on retrouve ici sans papiers. Il est à noter aussi que les papiers étant plus faciles à obtenir en Italie, les formalités se font en général de l’autre côté de la frontière.

Monique, la secrétaire, exerce au sein du CASO un travail salarié à mi-temps depuis 2013. Elle nous explique que la plupart des propositions de bénévolat sont acceptées, et que la moitié des bénévoles finissent par adhérer à MdM. Autant le recrutement se fait sans trop de difficultés en médecine, autant il est compliqué, sur la région de Nice, de recruter des dentistes dont le besoin est permanent.

Judith est généraliste au sein de l’équipe depuis trois ans. Elle exerce un jeudi matin sur deux. Et travaille le reste du temps dans un centre de santé. Les demandes de soins sont extrêmement variables. Ces derniers temps, elle a reçu beaucoup de demandeurs d’asile auxquels l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) demande le plus de preuves possibles des mauvais traitements qu’ils ont subis afin d’améliorer leurs chances dans le cadre d’une demande d’asile… C’est ainsi qu’elle voit des blessures innommables et qu’elle entend des récits particulièrement atroces, notamment de la part des réfugiés tchétchènes. Pour tous, la plupart des violences ont été subies lors du parcours. Les réunions d’équipe, où l’on peut mutualiser la difficulté à entendre de telles souffrances, sont fréquentes et nécessaires.

Coralie est une psychologue clinicienne très investie dans l’Art Therapy. Elle est jeune et exerce depuis six mois dans un cabinet en ville. Elle est très engagée sur d’autres secteurs du bénévolat, que ce soient pour les autistes ou pour les handicapés. Elle a participé aux opérations de la Croix-Rouge au moment du massacre de Nice. Elle n’est pas sollicitée de prime abord par les visiteurs du CASO. C’est au cours des consultations généralistes, ou des entretiens avec l’assistante sociale, qu’émerge dans les discussions, la nécessité ou le besoin d’une consultation psychologique.

 

Réunion de coordination au CASO de Nice

Le dernier soir, nous avons assisté à une réunion entre les médecins intervenants et la coordination générale de Nice.

La discussion portait d’abord sur l’évolution des CASO, dans l’optique de transférer dans le droit commun les activités de soins. Dans ce cadre, en reconnaissant la difficulté de référer des patients sans papier dans les hôpitaux niçois, il s’agissait de construire un réseau de médecins de ville, susceptible d’accueillir ces patients pendant quelques mois, le temps qu’ils obtiennent des papiers en règle. L’un des médecins fut chargé de ce porte-à-porte dont personne ne peut aujourd’hui anticiper le résultat.

La deuxième partie de la discussion est centrée sur le travail auprès des migrants. Pour ce qui concerne les soins de santé à Vintimille, il est décidé d’attendre le résultat du bilan de Médecins sans Frontières et d’aviser en janvier si les besoins nécessitent une intervention de MdM.
Parallèlement, alors que les migrants étaient de plus en plus nombreux à rejoindre la vallée de la Roya, au nord de Vintimille, on assistait à leur prise en charge plus ou moins désordonnée par des médecins locaux. Au cours de la réunion, il fut décidé de poursuivre la prise de contact avec ces médecins, afin de les soutenir, de les accompagner, et éventuellement de les intégrer dans le cadre de MdM.

 

Visite du camp de femmes et de mineurs migrants à Vintimille

Il est 18 heures, et il fait nuit.

Sur l’autoroute, assez chargée, qui nous mène de Nice à Vintimille, Agnès conduit avec prudence. Il n’est pas rare que des migrants empruntent l’autoroute pour tenter de passer la frontière. En France, il y a une bande d’arrêt d’urgence. Mais en Italie, il n’y en a plus. Les migrants, qui peuvent circuler en groupe ou en famille, le plus souvent habillés de vêtements sombres, sont invisibles et courent le risque d’être fauchés par les voitures ou par les camions.

Un peu en marge de la petite ville de Vintimille, les femmes et les enfants bloqués à la frontière ont été regroupés dans le sous-sol de l’église Saint-Antoine. À l’extérieur, une douzaine d’hommes fument ou discutent. L’entrée du sous-sol est contrôlée par une grille fermée à clé. A l’extérieur de la grande salle qui regroupe des lits superposés, une quarantaine de femmes et d’enfants sont nourris par une dizaine d’associatifs humanitaires. D’autres enfants jouent et crient en courant comme tous les petits enfants du monde. L’atmosphère est plutôt gaie, enjouée. Il y a ici beaucoup de dignité, de patience, et peut-être de résignation. La plupart des migrants semblent provenir du Moyen-Orient.

Au premier étage, dans l’enceinte de la sacristie, nous avons l’opportunité d’assister à une rencontre entre un médecin italien de MSF et la coordinatrice de la mission Nice, le tout sous le regard attentif du responsable de Caritas qui gère le centre. Les migrants étant, d’une façon générale, en assez bonne santé sur le plan physique, MSF a pris la décision d’ouvrir une permanence de santé mentale sur le centre en dépêchant un médecin qui sera là tous les jours pendant un mois jusqu’au début du mois de janvier. Il ne s’agit évidemment pas pour MdM d’entrer en concurrence avec les activités de MSF. Ces derniers feront un bilan des besoins en santé mentale, et, en fonction de leurs moyens et de leurs souhaits d’intervention, proposeront à MdM de les aider ou de se substituer à leur action.

Nous sommes un peu surpris, connaissant l’antériorité et l’expérience des équipes de MdM sur les migrations à cette frontière, de voir que c’est MSF qui est en pointe sur l’action auprès des migrants de Vintimille. 

Pour en comprendre la raison, il faut remonter d’une année, époque à laquelle la frontière était encore ouverte et voyait passer chaque jour des dizaines de migrants en provenance d’Italie. Lorsqu’en juin 2015, la France a décidé de fermer la frontière à Menton, un campement sauvage s’est installé dans des conditions extrêmement précaires sur les rochers de la plage, côté italien. La mission de Nice s’est assez naturellement impliquée dans l’aide médicale et psychologique apportée à ces migrants coincés entre la frontière française et les forces de police italiennes.

La Croix Rouge italienne a dans un premier temps décidé d’ouvrir un centre à la frontière avant de décider de le fermer et de faire reculer les migrants jusqu’à Vintimille au cours de l’été 2016. Là s’est ouvert un centre de la Croix-Rouge pour les hommes, alors que les femmes et les mineurs étaient regroupés dans le sous-sol de l’église Saint-Antoine. La direction des missions France de MdM, soucieuse de ne prendre aucun risque au plan de la régularité des interventions, a alors demandé à la délégation niçoise de suspendre les activités de soins en l’absence d’une autorisation officielle des autorités sanitaires italiennes.

Le retrait provisoire de MdM laissait le terrain à d’autres ONG, dont MSF. Malgré la déception que nous avons pu ressentir au sein des équipes déjà engagées auprès des migrants, nous avons aussi conclu avec eux que l’essentiel était d’identifier les besoins et qu’il y soit répondu d’une façon ou d’une autre.

 

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