L’équipe du programme Mineurs non-accompagnés (MNA) de Rouen a sollicité une membre de la Brigade de prévention “Sexe tous risques” après avoir observé des comportements laissant entendre d’éventuelles prises de risques de la part d’une des jeunes filles suivies par Médecins du Monde.
Cette rencontre a eu pour objectif d’aborder la sexualité, de prévenir des risques et d’identifier les lieux de dépistage.
Mercredi matin, 10h00. Marie* arrive dans mon bureau pour papoter, comme à son habitude. La pochette du jeu sur les infections sexuellement transmissibles (IST) traîne sur la table – c’était en quelque sorte préparé. Marie, qui était venue avec moi en décembre dernier à l’occasion des journées mondiales de la lutte contre le sida, le connaissait déjà. Je lui demande si je peux m’entraîner en anglais avec elle. Elle accepte de devenir mon cobaye !
Aborder la sexualité de manière ludique.
La sexualité est un sujet tabou dans nos sociétés. Ce jeu est un moyen d’en parler librement et de dédramatiser les IST. En partant des connaissances de la personne pour réfléchir ensemble aux réponses.
Je propose à Marie de piocher une IST au hasard ; cela symbolise la prise de risques. La jeune femme attrape un papillomavirus (ou HPV) ! Elle colle la vignette-IST sur le tableau et nous commençons à réfléchir ensemble. Quels sont les modes de transmission (pénétration, sexe oral, sang, mère à enfant…) ? Quels sont les signes ? Les symptômes ? Est-ce un virus ? Une bactérie ? Souvenez-vous de vos cours de SVT !
Marie ne semble pas gênée. Elle pose au contraire beaucoup de questions ; avec toutefois une certaine distance, “those who are doing that… that’s not good“. Et bien oui jeune fille, personne n’est à l’abri de tomber sur un (voire des) kiki-s !
Identifier les symptômes possibles et les structures de dépistage.
La quinzaine de signes et de symptômes, que je lui traduis en anglais, est ponctuée de “beurk !” par Marie. Même si je lui précise que très souvent, les femmes peuvent être asymptomatiques – surtout pour l’HPV – il vaut mieux en prendre conscience, être alerte. Marie trouve difficilement les réponses, et pour cause, en cas d’HPV, mis à part les lésions visibles telles que verrues, condylomes ou crêtes de coq sur le sexe, le col, l’anus ou la gorge, il n’y a rien d’autre ! Moi non plus je ne le savais pas avant de créer ce jeu.
Enfin, après un rapide échange autour des complications, je lui demande où elle pourrait éventuellement se faire dépister, poser des questions, éclaircir ses doutes :
– « A l’hôpital ? »
– « Oui, mais où exactement ? »
– « Je ne sais pas… »
TADA ! C’est une porte ouverte ! J’en profite pour sortir la fiche de liaison du Centre Gratuit d’Information, de Dépistage et de Diagnostic des infections (CeGIDD). Nous discutons des différents lieux où se faire dépister, où discuter aussi – même hors du cadre Médecins du Monde. Elle range la fiche dans son cahier… sait-on jamais !
Avant d’en arriver au CeGIDD, je lui demande comment prévenir les IST et s’en protéger. Ce à quoi Marie répond : “Hum… Using condoms ?“
Distribuer des préservatifs à l’issue du jeu pour marquer la rencontre.
C’est un bon moyen de contribuer à la réduction des risques (RdR). Je donne un préservatif à Marie, puis un deuxième… Et dans la foulée, je tente la totale et sort Bobby XXL ! Elle rigole avant de sortir un “Oh my god !“. Si seulement elle savait. Oui, c’est effectivement un GOD-michet. Pour ne pas l’intimider, je lui propose que l’on pose le préservatif, chacune notre tour – d’égale à égale. Elle commence. Marie déchire le sachet, sort le préservatif, puis l’enfile à Bobby XXL, tout en cherchant mon approbation. Mais je reste de marbre.
La tâche n’est pas aisée. D’abord parce que Bobby XXL est sacrément gros (il a fallu bien appuyer pour dérouler le préservatif). Ensuite parce que le préservatif était à l’envers. Dans tous les cas, ça n’allait pas le faire. Elle retente hâtivement, sans être farouche à aucun moment. Mission accomplie ! Et elle est contente. Marie termine en prenant ses dernières notes concernant le HPV. Avant qu’elle parte, je l’invite à revenir vers nous – ou vers le CeGIDD par exemple – si la moindre question lui venait.
Créer les milieux et les conditions favorables, partir des capacités des personnes, servir de médiateur, développer les aptitudes personnelles… Vive la promotion de la santé ! En plus, nous avons passé un très bon moment ensemble. Next challenge : un atelier avec les jeunes garçons. Ça risque d’être plus compliqué, mais relèverons vons le défi avec plaisir, et ça se fera peut-être sentir !
* le prénom a été changé