Vitamine solidaire & colorée

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Labo Fabrik est un atelier solidaire, social et économique créé au sein de l’association Gaia, qui promeut la création d’objets fait à partir de matériaux recyclables.

Ce projet collaboratif est un atelier de redynamisation et de production, qui associe les usagers de drogue et des personnes en situation de précarité à la réflexion et la création, pour reprendre un rythme, reprendre confiance en soi, restaurer son image, imaginer un projet de vie. Il propose différentes activités créatives en collectif (12 usagers maximum) tout en individualisant les parcours dans la technique et l’expression.

L’originalité est donc dans cet accompagnement de la transformation de matériaux et d’objets, en confrontant les idées de chaque participant, en négociant et décidant, usagers et personnel encadrant dans un processus dynamique de réappropriation d’une estime de soi. Le choix de réaliser des objets utiles pour leur quotidien crée une synergie, pour que chacun puisse produire sa propre réalisation.

 

 

D’où vient le projet ?

A l’origine, je viens du domaine de l’insertion professionnelle. Avant d’arriver à Gaïa j’avais déjà travaillé dans un autre CSAPA (Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie). Je souhaitais me pencher sur la question de l’addiction et des drogues, ayant moi-même été souvent confrontée à cette difficulté dans mes activités précédentes. En travaillant pendant un an et demi à Gaïa, j’ai constaté que les personnes usagères parlaient avec une certaine facilité de leurs problèmes. D’autre part, j’ai pu voir aussi la difficulté pour eux d’accéder aux dispositifs de droit commun d’aide ou d’insertion professionnelle, comme les Dispositif Premières Heures.

Le projet Labofabrik consistait d’abord à mettre en place une démarche de redynamisation, permettant aux gens de se mobiliser ensemble en faisant quelque chose d’utile, ayant un intérêt général. Nous fabriquons des objets à partir de matériel de récupération, mêlant créativité et utilité, tels que les sacs de couchage, les sacs à main ou autres. Le projet a pour but de permettre aux participants de se reconstruire, de retrouver une estime de soi pour éventuellement entamer, dans un second temps, un parcours d’insertion sociale voire professionnelle. La perspective n’était donc pas d’emblée professionnalisante. Nous ne faisons pas non plus de l’occupationnel, les personnes ne viennent pas dessiner ou faire un atelier de couture pour occuper leur temps. C’est un projet collaboratif et co-construit, inscrit sur le long terme, proposant de faire partie d’un groupe pour apprendre à réfléchir ensemble et élaborer des objectifs communs tout en accompagnant chacun dans son parcours de vie.

Le Labofabrik dépend de Gaïa mais pas de la salle de consommation qui vient d’ouvrir, il s’adresse à tous les usagers, aussi bien du CSAPA que d’ailleurs.

Aujourd’hui le Labofabrik compte entre quatre et cinq participants et je suis la seule salariée. Avant le mois de novembre 2016, le projet menait les séances d’ateliers et d’accompagnement des personnes usagères dans leur parcours. Depuis novembre, le « Dispositif Premières Heures » a été officiellement mis en place pour expérimenter une démarche concrète de réinsertion professionnelle. C’est une façon de travailler autrement sur la recherche d’emploi. Œuvrer  seulement sur le CV n’aboutit pas facilement, quand une personne a déjà subi toutes sortes d’échecs. C’est un autre dialogue qui se crée.

As-tu lancé l’idée seule ? Quelles ont été les différentes étapes ?

J’ai commencé seule par une expérience de terrain, dans la rue, afin de voir si mon idée trouverait son écho auprès des personnes concernées. Cela a duré trois mois pendant lesquels j’ai écrit un début de projet. Je me rendais aux lieux où passaient les « Bus Méthadone » de Gaia qui circulent tous les jours à la Gare de l’Est, la Porte de la Chapelle, et à Nation, où se concentrent une grande partie des usagers. J’allais vers elles/eux et proposait de fabriquer des objets. L’idée du sac de couchage et de la récupération leur a permis de comprendre ma démarche, visant à faire en sorte qu’ils se rendent utiles. Cela a beaucoup résonné en eux, nous avons donc commencé très tôt à créer des mini-prototypes.

Puis j’ai décidé de rechercher des financements. J’ai attendu de décembre 2014 et jusqu’à mai-juin, les résultats des commissions ensuite j’ai entrepris l’étude de faisabilité en août 2015.

 

 

Les participants contribuent-ils aussi à la gestion du projet ?

A leur manière et autant qu’ils peuvent. Parfois il est difficile de trop les impliquer dans certains domaines tels que par exemple la gestion budgétaire. Cependant je n’impose pas hiérarchie entre eux et moi. L’idée a été proposée, par exemple, de créer un blog au sein de notre site internet qui leur appartiendrait, afin qu’ils y fassent de la communication et de la diffusion à travers leurs propres écrits ou témoignages.

Par ailleurs, lorsque nous organisons des ventes, nous travaillons en équipe. L’intérêt n’est pas seulement de vendre mais aussi de parler aux gens et de prendre des initiatives telles que d’aller démarcher d’autres points de vente. C’est une mise en situation professionnelle dans laquelle chacun/e est pleinement impliqué/e.

 

Quels sont les type d’objets fabriqués ?

 

Nous travaillons à partir d’objets ou matériaux récupérés le plus souvent dans la rue. La récupération est un levier pour elles/eux car beaucoup vivent dehors. C’est une façon d’envisager une méthode de survie, en retransformant des matières ou objets jetés. Elle pose aussi la question de la consommation au sens large : nous réfléchissons ensemble à de nouvelles manières de l’envisager, amenant à des considérations d’ordre économique mais aussi, a fortiori, à la question de la consommation de drogue.

L’idée est d’abord de créer un objet collectivement. Nous réfléchissons et inventons un modèle ensemble, ce qui permet de rentrer dans une dynamique de groupe, de dialoguer de comparer les points de vues et de se soutenir. Cela reconfigure aussi leurs rapports interpersonnels, souvent marqués par des tensions ou de la violence. Ensuite chacun peut se créer son objet individuellement.

Nous pensons donc en priorité à des objets qui leur seraient utiles. Par exemple, dans les chambres d’hôtels qu’ils/elles fréquentent parfois, l’appropriation de l’espace est rendue difficile à cause de l’absence de matériel de rangement pour leurs quelques affaires. Très rapidement, l’idée est donc venue de créer des petits meubles en carton. Le sac de couchage aussi a eu son succès ainsi que les lampes. Les participants en viennent à proposer eux-mêmes leurs idées en fonction de leurs envies ou besoins.

Y a-t-il une sélection des participants ?

Elle se fait d’elle-même. Ma seule exigence vis-à-vis des nouveaux arrivants est qu’ils/elles acceptent de s’inscrire dans une démarche d’écoute et partage vis-à-vis des autres et dans un projet à long terme. Je leur dis que c’est un projet qui n’a pas seulement vocation à l’insertion professionnelle en leur expliquant l’enjeu collaboratif et social.

Le projet est-il bien reçu ?

Oui. Nous n’avons jamais eu de soucis.

Où et comment se font les ventes ?

J’ai démarché beaucoup de CE. Nous allons aussi dans les marchés de Noël ou des marchés de l’économie solidaire. Nous prenons tout en charge, le transport de matériel, la gestion de l’espace et autre, ce qui demande un effort réel d’organisation, d’anticipation et de préparation, c’est très stimulant.

La démarche de vente est aussi un remède à la marginalisation sociale, car il permet d’aller vers des gens, d’adopter une autre posture vis-à-vis d’eux.

Combien de temps durent les séances ?

Les séances d’atelier ont lieu chaque semaine et durent au moins 3 h. Cela demande parfois un effort réel de la part de certain-e-s de rester concentrés et immobiles pendant tout ce temps dans une posture assise. C’est un exercice. Nous créons aussi un espace de parole où nombre d’entre eux en viennent à se confier.

Le projet a-t-il pour but de s’étendre ?

Oui. je vais chercher des financements pour embaucher d’autres salariés. Pour l’instant je n’ai pas de contrainte quantitative, mais des contraintes de résultats par rapport aux dispositifs Premières heures, c’est-à-dire qu’il faut montrer la viabilité de ce projet quant à l’insertion professionnelle des participants.

Propos recueillis par Sophie Lacombe, assistante de communication interne

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