Ne pas rester dans un « cahier de doléance »

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D’une façon générale, on peut définir un processus communautaire par la perception de l’existence d’un problème collectif commun à un ensemble de personnes. Il est commun parce qu’il trouve ses racines dans un problème structurel ou d’organisation collective.

L’émergence des capacités

Le problème est extérieur à chaque individu qui peut le vivre de façon différente et le groupe organisé ou non de façon anticipée se constitue pour répondre à ce problème.

Il faut souvent partir des problèmes personnels de chaque individu et repérer dans ses difficultés personnelles ce qui fait partie du champ commun, structurel et organisationnel du groupe. La démarche communautaire s’appuie sur ce qu’on appelle l’empowerment, l’émergence des capacités ; elle va permettre à chacun grâce au groupe de pouvoir retrouver des capacités et de pouvoir les exprimer.

Alors, comment mettre en œuvre ce type de programme ? Dans une dynamique ascendante, un groupe de personnes se réunit et de façon isolée, autonome réfléchit à ses propres difficultés et, sur des problématiques communes va se mettre en marche pour y apporter une réponse.

Dans une dynamique descendante primitive, par exemple, nous avons initialisé un travail communautaire sans que les personnes détenues soient demandeuses. Il s’agit dès lors pour retrouver la dynamique ascendante, de faire prendre conscience (des mécanismes, des contraintes, de l’implication qui pèsent sur eux, de leur pouvoir…) à cette population de la nature collective de ses problèmes avant ou pendant que l’on imagine avec elle les ou des solutions collectives qui en découlent. La grande difficulté est alors de ne pas rester dans une sorte de « cahier de doléance » et de réduire le groupe à une somme d’identités négatives. Dans une dynamique ascendante, un groupe de personnes se réunit et de façon isolée, autonome réfléchit à ses propres difficultés et, sur des problématiques communes va se mettre en marche pour y apporter une réponse.

Pragmatisme et confiance

Un programme communautaire ne repose pas sur une définition d’une population à problèmes mais bien plus sur la conviction que cette population dispose de qualités et de ressources qu’il faut encourager. Notre approche pragmatique est surtout créatrice d’un lien de confiance et protectrice de la parole.

Lien de confiance : il se crée dans un travail de proximité sans jugement où nous abandonnons pendant un temps notre qualité de professionnels. Il est sous tendu par la recherche d’égalité de la la place de chacun des participants pour assurer la reconnaissance de la force du travail commun d’une part et recherche une équité dans les réponses proposées. Cette posture est fondatrice du lien.

Ainsi, quelques soient les personnes concernées, il se crée progressivement l’espace qui permet l’émergence de la parole.

Protectrice de la parole : celle-ci libérée, protégée, respectée voire sanctuarisée permet à ces hommes et ces femmes de retrouver une dignité, de réfléchir, proposer et concevoir.

Pour le programme des travailleurs du sexe, nous sommes partis d’un programme participatif, quand il a été monté en 2000. Il était descendant, nous entendions leur problématique et nous tâchions d’y répondre avec eux mais on y répondait à notre façon et c’était encore très asymétrique. Dans le cadre du transfert nous tendons vers une démarche communautaire. Accueil et expression sans jugement, médiateur de la parole, facilitateur de l‘échange sans abandonner notre savoir et notre expertise pour qu’elle serve à soutenir, recentrer, proposer tel ou tel axe que le groupe n’aurait pas identifié comme utile ou faisable, garant de la confidentialité de la parole, travail en co-instrumentalisation.

A l’opposé notre présence peut permettre de signifier au groupe le côté irréalisable, inaccessible ou trop ambitieux de leur proposition. Médecins du Monde se pose comme acteur du changement. La démarche communautaire est sans doute le moyen le plus cohérent pour vectoriser ce changement social.

Paul Bolo, responsable du programme en milieu carcéral et du programme auprès des personnes proposant des services sexuels tarifiés.

Un accompagnement éducatif de formation

Débat sur la santé communautaire animé par François Berdougo lors de l’assemblée régionale du 20 février 2016.

 

La promotion de la santé est une démarche globale induisant la nécessité d’une analyse et d’une évaluation dans de multiples domaines, et prend en compte le bien-être physique, psychique et social d’un individu ou d’un groupe de personnes. L’évaluation et les actions sont une réponse aux problèmes de santé des personnes, elle se réalise dans le cadre d’une alliance, elle doit impliquer dans la réflexion et l’appropriation la personne ou le groupe en difficulté. Il ne s’agit pas de plaquer une solution toute faite ; ce n’est pas imposer une action ou un processus.

 

L’action est la source d’un plaidoyer, il y a lieu de faire évoluer la société civile. Le plaidoyer doit modifier le regard de la société civile sur les déterminants sociaux, politiques, économiques de la santé. La communication ou la représentation ne repose pas sur un individu (sur une histoire personnelle), elle doit passer du JE au NOUS.

 

L’accompagnement par MdM des bénéficiaires doit nous inciter, et faciliter l’émergence du collectif, du communautaire ; il s’agit là d’un accompagnement éducatif, de formation d’un groupe à agir collectivement et autonome en lien avec la société civile.

 

MdM apporte une expertise, des moyens, mais ne doit pas se substituer et agir à la place.

 

L’autonomie des groupes sur des problématiques de santé communautaire est une volonté stratégique et politique de MdM.

 

Philippe Bourasseau, bénévole à Angers

 paru dans le Fil info de la délégation des Pays de la Loire, mars 2016.

 

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