Les roses d’acier, un bel exemple d’empowerment

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Dessins de Cyrille Pomes


« Avant nous pensions notre programme comme un travail auprès d’une communauté, alors qu’aujourd’hui nous cherchons à travailler avec cette communauté ».
Tim Leicester, est le coordinateur du programme Lotus Bus de MdM depuis 2011 après y avoir été animateur de prévention. Ce projet qui a vu le jour en 2004, s’adresse aux femmes chinoises se prostituant à Paris. L’objectif : réduire les risques liés aux pratiques prostitutionnelles et favoriser l’accès aux soins de ces personnes. Tout cela grâce à un travail de rue mené par une équipe pluridisciplinaire.

Le premier pas : le recrutement d’une animatrice paire en 2014

Pendant longtemps, l’enjeu majeur a été d’impliquer les bénéficiaires dans la réalisation des activités du lotus, mais cela a pris du temps :

Les blocages se sont dissipés progressivement et le Lotus a pu recruter pour la première fois une animatrice de prévention paire. Une ancienne usagère du programme est maintenant une salariée de MdM. Grâce à sa connaissance de la communauté mais aussi du travail sexuel, elle a pu aider l’équipe à franchir « le grand cap ». Elle s’est occupée d’intégrer les femmes les a aidées à prendre leur place et à exprimer ce qu’elles vivent.

Un nouveau camion adapté à une approche plus communautaire

Depuis le mois de juillet, le lotus tourne avec un nouveau camion, remplaçant enfin celui qui avait accidentellement brûlé dans le parking il y a deux ans.

Le véhicule est aménagé de telle sorte que l’équipe puisse mener deux activités en parallèle. A l’avant : démonstrations et distributions de matériel (préservatifs, brochures…). A l’arrière, un espace confidentiel est utilisé pour les entretiens et pour les dépistages, grâce à un partenariat avec les CDAG qui envoient médecins et infirmières effectuer les prises de sang. Les femmes sont accompagnées par des bénévoles du Lotus pour chercher leurs résultats. C’est l’occasion de leur indiquer l’accès à ces centres gratuits pour qu’elles puissent s’y rendre de façon autonome par la suite et en parler à leurs collègues.

2015 : les Roses d’aciers

Lors d’une nouvelle vague de harcèlement policier en 2014, un groupe de femmes s’est spontanément réuni pour rédiger un courrier aux élus municipaux. En réponse, la mairie du 10ème arrondissement et des représentants de la mairie centrale leur ont proposé une rencontre.  Elles ont pu y exposer les difficultés qu’elles rencontraient quotidiennement à cause de ces harcèlements. Elles sont sorties en ayant l’impression d’avoir été écoutées.  La graine des Roses d’acier était semée…

Les femmes, accompagnées par le Lotus, ont créé leur association quelques mois plus tard, en 2015 avec l’intention de s’exprimer de manière légitime,  identifiée et autonome.

Les roses d’acier n’ont pas cessé de fleurir depuis.

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Les fruits des roses

Un an après la création des roses d’acier, ses adhérentes recueillent déjà quelques fruits. Leurs manifestations dans la voie publique les ont rendues visibles, ont mis en évidence leurs difficultés quotidiennes et leur ont permis d’établir un lien avec les riverains (jusqu’à ce moment-là, inexistant). D’autre part, elles se sont positionnées en tant qu’interlocutrices légitimes, des citoyennes détentrices de droits. Certains médias [2]ont porté un intérêt sur la problématique, se sont approchés d’elles, les ont interviewées, bref, leur ont ENFIN passé le micro. Cela ne peut qu’être positif.

Un bel exemple d’empowerment

L’initiative des Roses d’Acier  illustre de façon précise, presque encyclopédique, la notion d’empowerment : la capacité des individus et des collectivités à agir pour assurer leur bien-être ou leur droit de participer aux décisions les concernant (1). Curieusement, une notion qui est née aussi de la main des femmes qui luttaient pour la reconnaissance de leurs droits, un siècle auparavant aux Etats Unis.

Les débats autour de la prostitution sont toujours d’actualité en France mais ceux et celles qui sont directement concernés sont souvent exclus de l’équation. Ce sont les hommes politiques, les experts, les associations, les journalistes et les blogueurs qui donnent leurs avis, qui mènent des débats publics ou qui écrivent des longues tribunes en remplissant les pages des journaux et des revues. Malgré cela, la rencontre entre les élus municipaux et ces femmes chinoises montre bien une évolution dans le débat : ils donnent enfin la parole aux personnes qui vivent la prostitution au quotidien. Un intéressant point de départ pour les futures roses d’acier.

Pour l’équipe du lotus, l’intention est d’accompagner, d’informer les usagères et de faire de la prévention des risques. Néanmoins, ce soutien est toujours en vue de favoriser leur autonomie. L’appui à la création de leur propre association s’inscrit donc dans la lignée de « l’empowerment » pour qu’elles énoncent et fassent valoir leurs droits.

La relation entre l’équipe et les usagères a pris une tournure : « Aujourd’hui, avec le recrutement d’une animatrice de prévention paire, des bénévoles paires et le soutien au collectif des roses d’acier, on travaille dans une approche communautaire. Cela change beaucoup la dynamique de l’équipe et le type de relation qu’on peut avoir avec les femmes que nous accueillons. Cela nous permet de transmettre des messages plus facilement » explique le coordinateur.

[1] « Empowerment » : généalogie d’un concept clé du discours contemporain sur le développement – Anne-Emmanuelle Calvès

[2] Couvertures médiatiques sur les Roses d’acier : 
       – Les prostitutées chinoises témoignent de la représsion policière à Belleville – Médiapart
       – A Belleville, des prostituées chinoises sortent de l’ombre – Les inRocks
       – Les prostituées chinoises sortent de l’ombre – Le point
       – Les pas perdus des marcheuses de Belleville –  Libération
       – Reportage: Les Roses d’acier, association de prostituées chinoises

Plus d’info : Lotus Bus – Rapport d’activité 2014
     

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