En 1945 naissait la Sécurité sociale française, avec une ambition forte : assurer une protection sociale à tous les moments de la vie. Concernant la santé, il s’agissait d’en faire un bien commun, en socialisant le risque de maladie par un financement collectif et solidaire.
Quatre-vingts ans plus tard, le constat dressé par Médecins du Monde dans son nouveau Rapport 2025 de l’Observatoire de l’accès aux droits et aux soins est sans appel : pour beaucoup de personnes en situation de précarité, l’accès à une couverture santé complète, effective ou continue reste un parcours du combattant.e.
85 % des personnes accueillies dans nos centres de soins n’ont pas de couverture santé
Le baromètre santé 2024, basé sur plus de 15 000 personnes accueillies dans nos centres de soins en France, dresse leur profil et leur état de santé. Il met notamment en évidence que 85 % des personnes accueillies n’ont pas de couverture santé, alors même que près de quatre sur cinq sont éligibles à une protection maladie. Cela entraîne un retard ou un non-recours aux soins avec des conséquences directes sur la santé : maladies chroniques non suivies, aggravation de pathologies, complications à l’hôpital plus coûteuses.
Le focus thématique du rapport est consacré aux inégalités d’accès à la couverture santé dans le contexte des 80 ans de la Sécurité sociale.
Il retrace la succession d’obstacles administratifs et pratiques qui entravent l’accès effectif à une protection maladie, à partir de données des accompagnements réalisés, d’enquêtes flash conduites dans plusieurs délégations et de témoignages de personnes accueillies.

La domiciliation, tout d’abord : sans adresse postale, impossible d’ouvrir des droits (chapitre 1). En 2024, 28 % des personnes accueillies par MdM déclarent ne pas avoir d’adresse. Dans certaines communes, les refus de domiciliation administrative sont fréquents et souvent discriminatoires : en Île-de-France, 46 % des centres communaux d’actons sociale (CCAS) interrogés refusent d’enregistrer les personnes vivant en bidonville, 54 % celles vivant en squat et 57 % celles vivant à la rue. Dans le Médoc comme en Ile-de-France, ce sont 4 CCAS sur 10 qui refusent illégalement les demandes de domiciliation administrative en l’absence de titre de séjour.
La fermeture des accueils physiques et la dématérialisation des démarches administratives laissent de nombreuses personnes sur le côté (chapitre 2). À Rouen, 44 % des personnes interrogées à la sortie de l’agence de l’Assurance maladie ont renoncé au moins une fois à une démarche en ligne au cours des 12 derniers mois, faute d’équipement, de compétences ou face à des délais trop longs. Même au guichet, la moitié des difficultés n’ont été résolues que partiellement, voire pas du tout. Les Maisons France Services présentées comme un relais de proximité ne compensent que partiellement le retrait progressif des services de l’Assurance maladie, comme le montrent notre enquête en Haute-Garonne. Quant aux bénéficiaires de l’AME, ils souffrent particulièrement de la dématérialisation : couverture territoriale insuffisante des guichets habilités à recevoir les demande, exigence de rendez-vous dans certains départements, défaut d’information sur les droits, absence de service d’interprétariat et qualité insuffisantes des réponses apportées par les plateformes téléphoniques de l’Assurance maladie.
La Protection universelle maladie devait garantir un droit à la santé pour toutes et tous (chapitre 3). Pourtant, en 2024, près de quatre personnes sur cinq rencontrées dans nos centres, bien qu’éligibles, n’avaient aucun droit ouvert. La Complémentaire santé solidaire (C2S) reste trop méconnue et complexe, avec un fort taux de non-recours. Les personnes étrangères ou en situation précaire se heurtent à des délais, des ruptures de droits et des restrictions administratives. L’aide médicale d’État (AME) elle-même reste difficile d’accès et discriminante. Une enquête menée auprès de l’ensemble des chirurgiens-dentistes de Montpellier montre que 38% des cabinets refusent un rendez-vous aux bénéficiaires de l’AME, alors qu’ils acceptent une personne avec une carte vitale qui présente les mêmes besoins.
Face à ce constat, le rapport ne se limite pas à dénoncer : il propose des solutions concrètes.
À court terme, renforcer l’effectivité des droits par la mise en place d’un véritable service public de domiciliation, des services d’Assurance maladie accessibles à toutes et tous, et un meilleur accès à une couverture santé complète. À moyen terme : une réforme structurelle avec la création d’une couverture santé publique unique – une couverture santé universelle, intégrale et sans reste à charge, fondée sur la résidence et fusionnant l’ensemble des dispositifs existants, pour garantir réellement le droit à la santé pour toutes et tous (chapitre 4). Il s’agit de revenir à la promesse des fondateurs de 1945 et d’engager le débat démocratique pour construire usagers, citoyens et professionnels la protection santé du 21ème siècle. Ce rapport est bien plus qu’un document d’analyse. Il est le fruit des constats de terrain des équipes de Médecins du Monde, et un outil pour renforcer notre plaidoyer commun. En l’utilisant, en le partageant et en l’enrichissant de vos retours, vous contribuez à transformer les témoignages individuels en force collective et à faire avancer l’idée d’une santé vraiment universelle.
80 ans après la création de la Sécurité sociale, notre rapport rappelle que l’accès aux soins reste un combat et que, collectivement, nous avons un rôle à jouer pour que l’accès à la santé pour tous.tes devienne enfin une réalité.
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