Je pensais qu’on pouvait avoir une maison facilement, qu’on pouvait travailler, faire des études…

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©Sarah Alcalay

Témoignages complets des interviews publiées sur
À fond de Calais

Adoud, 23 ans : De l’enfer à la paix.

Adoud est Soudanais. Il parle un peu français. Depuis 46 jours, il vit au squat des Salines à Calais, une impasse située à l’arrière d’une entreprise, où une centaine de migrants a trouvé refuge après le démantèlement des camps début juillet 2014. Aux Salines, la vie est rude. Beaucoup d’exilés dorment dans des tentes ou des abris de fortune. Adoud lui, “squatte” dans une maison abandonnée des Salines, avec plusieurs de ses compagnons de route. Contrairement à la plupart des autres réfugiés, le jeune homme ne rêve pas d’Angleterre. Il souhaite s’arrêter ici, en France.

 

Avant Calais, c’est une longue histoire. Je suis parti du Soudan pour la Libye puis je suis passé par la Tunisie et l’Italie. Je viens du Soudan du Nord, du Darfour. Vous savez, j’ai quitté l’enfer, c’est la guerre chez moi, ils massacrent tout le monde, il y a la famine. Ici, c’est tout de même mieux.

Ma famille m’a aidé pour partir et puis j’ai travaillé 6 mois dans un camp de réfugiés en Libye où j’aidais les Soudanais et les Érythréens. C’est très cher de quitter son pays, j’ai eu cette chance.

Au Soudan, je croyais que la France, c’était le paradis. Je pensais qu’on pouvait avoir une maison facilement, qu’on pouvait travailler, faire des études… Je me rends compte que c’est dur, ce n’est pas du tout ce que j’avais imaginé mais bon… j’ai quitté l’enfer et ici, au moins, c’est la paix.

Je n’ai jamais rêvé d’Angleterre, je ne veux pas y aller. Beaucoup de réfugiés comme moi aux Salines veulent vivre en France. J’ai un frère à Bordeaux, j’aimerais le rejoindre par la suite mais pour bouger, il me faut des papiers. J’ai demandé l’asile en France, je n’ai pour l’instant aucune nouvelle de mes démarches mais je souhaite rester dans ce pays, y vivre, n’importe où. J’ai appris au centre culturel français à Khartoum. J’allais au lycée là-bas. En France, j’aimerais reprendre des études pour devenir journaliste.

 

Je connais Médecins du Monde. Un jour, ils m’ont emmené à la P.A.S.S voir le médecin parce que j’avais très mal au dos. Ils ont construit des douches et mis des toilettes dans le squat, c’est bien mais ici, le problème n’est plus l’eau, c’est l’alimentation. On nous donne parfois des produits périmés. L’autre jour, 60% du camp a été malade à cause d’une intoxication alimentaire.

Sharam, 31 ans, bénévole à Médecins du Monde.

“L’Iran deviendra une démocratie”

« Je suis arrivé en France en mars 2012. J’ai fui le régime dictatorial de mon pays. En Iran, j’avais une vision de la France romantique. Romantique et jolie… Je suis arrivé à Calais et j’ai dormi deux mois sous la tente.

Je ne voulais pas aller en Angleterre. Je souhaitais rester ici. Un jour, j’ai rencontré Isabelle, une bénévole de MdM qui m’a aidé à obtenir ma carte AMU (couverture santé pour les réfugiés). Aujourd’hui, j’ai un studio dans le centre de Calais. J’ai obtenu mon statut de réfugié politique, je perçois 480 euros de l’État. Je prends des cours de français et je suis bénévole à MdM à Calais. Je participe aux actions que mène l’ONG pour les migrants, j’aide pour les traductions en iranien.

Je travaille également pour Iranian Monarchist movement, une organisation basée à Los Angeles qui milite pour que l’Iran devienne une démocratie. En 2008 en Iran, je manifestais dans la rue contre Ahmadinejad. J’ai été arrêté et j’ai fait deux semaines de prison. Pour en sortir, j’ai dû donner ma maison au gouvernement. Nous venons d’hériter d’un autre dictateur (Hassan Rohani). Un jour, ça changera, l’Iran deviendra une démocratie ».

John, 25 ans, Érythréen

L’Angleterre par tous les moyens.

John est assis sur le trottoir, devant la P.A.S.S (Permanence d’accès aux soins de santé). Le jeune homme se plaint de démangeaisons, la gale certainement… En attendant de voir le médecin, il accepte de raconter son parcours, en anglais, dans les grandes lignes. Il parle en souriant. Un rictus qui semble masquer la fatigue, l’épuisement d’un long voyage et tout ce qu’il ne souhaite pas dire…

« Je suis né en Érythrée, je suis parti pour le Soudan puis l’Ouganda. J’ai pas mal bougé. En 2008, j’ai obtenu un diplôme de statistiques. En Ouganda, j’ai travaillé et récolté 6000 dollars pour partir. Cela fait deux mois que je suis à Calais. J’essaie de passer en Angleterre par tous les moyens. À deux reprises, j’ai tenté d’approcher le ferry à la nage, en vain. L’eau était trop froide et très sale. Et puis il y a la police qui rode. Au début j’essayais de passer toutes les nuits. Aujourd’hui, je tente tous les deux jours. Je me rends dans un parking où je peux monter dans des camions grâce à des passeurs. J’ai payé 500 euros un passeur et je peux maintenant essayer autant de fois que je le souhaite. Je pensais que ce serait dur en France, mais pas à ce point-là. Mais, maintenant que j’y suis, je vais aller jusqu’au bout. En Angleterre, j’aimerais reprendre mes études et ouvrir ma propre boîte de sondages ».

Sarah Alcalay

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