Mort de Jean-Pierre Lhomme, père des salles de shoot

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Jean Pierre Lhomme

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Capture Le Monde

Fondateur de l’association Gaïa, le médecin généraliste, spécialiste des addictions, était aussi le vice-président de Médecins du monde

Un médecin humaniste au grand cœur. Ainsi était Jean-Pierre Lhomme, vice-président de Médecins du monde. Agé de 68 ans, ce médecin généraliste, spécialiste des addictions, père de la première salle de shoot et pionnier de la lutte contre le sida, est mort le 15 août 2017 à Paris. Il avait récemment décidé de se consacrer pleinement à son travail associatif, mais le cancer l’a emporté en quelques mois.

La réduction des risques a été l’un de ses combats. Sa vocation était d’aider les toxicomanes, à une époque où l’épidémie de sida commençait à décimer les utilisateurs de la voie intraveineuse. Avec Médecins du monde, où il entre en 1986, Jean-Pierre Lhomme met en place le premier programme d’échange de seringues mobile en France. C’était à l’époque illégal. Il a aussi participé en 1994 au lancement du premier « bus méthadone » français, qui propose un accès aux traitements de substitution à l’héroïne et des consultations anonymes et gratuites.

« Dealers en blouse blanche »
A l’époque, le débat est vif. Certains dénoncent dans ces médecins « des dealers en blouse blanche ». Jean-Pierre Lhomme assume d’en faire partie. Il crée avec d’autres un collectif, Limiter la casse, en 1993, qui publie un appel dans Le Monde et Libération. « Des toxicomanes meurent chaque jour du sida, d’hépatite (…) ces morts peuvent être évitées, c’est ce qu’on appelle la réduction des risques… », affirme cette tribune dès ses premières lignes.

Le docteur Bertrand Lebeau, addictologue, qui était lui aussi membre de ce collectif, au côté, parmi d’autres, des associations Aides et ASUD (Autosupport des usagers de drogues), parle de Jean-Pierre Lhomme comme d’un « homme intègre et généreux ». Leur but était d’inciter les héroïnomanes, souvent marginalisés, à entrer dans un parcours de soins. En 1993, Lhomme rencontre Simone Veil, alors ministre de la santé et des affaires sociales, pour vanter les bienfaits de la méthadone et trouve une oreille attentive.

Il a aussi énormément bataillé pour ouvrir, en octobre 2016, la première salle de consommation à moindre risque – autrement appelée « salle de shoot » – de France à Paris, avec l’association Gaïa. A chaque fois, le maître mot est l’expérimentation. « Nos bricolages peuvent devenir des politiques de santé publique », aimait-il à répéter, comme le rapporte le site What’s Up Doc.

« Un militant prolétarien »
La médecine est pour lui « un engagement politique, une médecine humaniste plus qu’humanitaire », décrit Olivier Maguet, responsable de la mission sur les médicaments à Médecins du monde, qui le connaît depuis les années 1990. Agé de 20 ans en 1968, Lhomme appartient à la gauche prolétarienne et s’établit à l’usine. « C’était un militant prolétarien qui n’avait pas envie qu’on le prenne pour un bourgeois distingué », souligne Bertrand Lebeau. En témoignent son look, sa coupe de crooner, ses sourcils broussailleux.

Bertrand Lebeau raconte une anecdote qui l’a marqué. « Un jour, Jean-Pierre s’est fait voler sa sacoche de médecin, son outil de travail, il était alors chamboulé. Il en a parlé à ses patients, dont de nombreux toxicomanes. Et un jour, la sacoche est revenue. Il en était fier pour deux raisons : les toxicos n’étaient pas si “mauvais” que ça… et ce n’est pas à tous les médecins que l’on ramène sa sacoche. »

« Prendre soin de la cité »
A l’hôpital, Jean-Pierre Lhomme a aussi œuvré dans l’accompagnement des interruptions volontaires de grossesse, de 1980 à 1991, puis dans la prise en charge des addictions au centre Marmottan, à Paris. Il a aussi participé à de nombreuses missions à l’étranger. Dans son cabinet, qu’il appelait sa « boutique », le médecin avait à cœur de « prendre soin de la cité ». Il plaçait l’humain au centre du soin. Surnommé « Djipi », Jean-Pierre Lhomme a toujours voulu faire bouger les lignes. « Il employait l’ironie et la douceur pour faire passer ses idées », note Olivier Maguet, qui, lors des obsèques, samedi 19 août, « a dit adieu à un homme noble et humaniste ».

Les hommages ont aussi été très nombreux sur les réseaux sociaux. Son engagement et son action ont été salués par la maire de Paris, Anne Hidalgo. Sur Twitter, Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération addiction, a salué « un homme de qualité, un râleur tendre ». Fabrice Olivet, directeur de l’association ASUD, évoque sur Facebook une mission avec Médecins du monde, en Afrique, notamment à Abidjan, où il s’était rendu début 2016 avec Jean-Pierre Lhomme, et rappelle avec émotion : « J’ai à nouveau compris cette faculté naturelle qu’il avait à se ranger du côté de ceux qui reçoivent les coups de bâton plutôt que de soutenir ceux qui les donnent. »

 

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