On a fort mal dormi

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Jean Christophe Quenon, à troix voix:
celle du psy, celle des sdf et la nôtre

Le 15 novembre dernier,  la compagnie Coup de poker a offert une représentation de la pièce On a fort mal dormi, interprétée par Jean Christophe Quenon au siège de MdM, à Paris

Adaptée de deux ouvrages Les Naufragés et Le Sang Nouveau de Patrick Declerck, la pièce a été créée au début de l’année 2016.  Elle nous parle des sans abri, de leur vie (survie) quotidienne, mais aussi du regard que nous protons tous sur eux. Patrick Declerck , psychanalyste, ethnologue et philosophe a créé à Médecins du monde, à la fin des années 80,  la première consultation de psychologie pour les sans domiciles fixes. Il raconte dans ses livres ses nombreuses consultations et sa plongée dans le bus de ramassage déguisé en « clochard », comme on les appelait encore à l’époque.

Allez voir cette pièce !

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– du 3 au 10 février 2017
au théâtre de Die (Rhône Alpes)

– du 21février au 12 mars 2017
au théâtre du Rond-Point (Paris )

– le 6 mai au festival Court circuit à Fresnes

La pièce tournera en Régions en 2018, vous pourrez en être informé en consultant le site de la compagnie Coup de Poker

La pièce, écrite et mise en scène par Guillaume Barbot , directeur de la compagnie, s’inspire directement de ses écrits. Elle nous fait entendre trois voix, portées par un seul acteur, Jean Christophe Quenon, magistral : celle du psy, celle des SDF et la nôtre. Elle nous fait vivre une expérience sociale unique, sidérante face à l’horreur de la rue. Confrontés à la folie de l’exclusion, … impuissants ?  Nous partageons ces moments d’humanité  dont le jeu de l’acteur met aussi en lumière la tendresse et l’humour.

Unanimement  saluée par la critique, la pièce a été jouée pendant l’année 2016, un peu partout en France, en particulier au festival off d’Avignon. C’est à Paris , au théâtre des 2 rives que nous l’avons découverte, Typhaine, alors en stage, et moi même, déjà bénévole. Nous en sommes ressorties très impressionnées.

Notre vif intérêt pour la pièce et la volonté du metteur en scène et de l’acteur de venir nous la jouer, « faire quelque chose » pour Médecins du Monde, nous a amenées à organiser cette représentation, en toute simplicité, sans décors. Les équipes du siège et de la délégation Ile-de-France ont été invitées à cette séance privée par mail. Une cinquantaine de personnes sont venues.

Les réactions ont été enthousiastes, admiration de l’acteur et de son jeu à la fois brutal et subtil,  force du texte bouleversant…

Après la représentation, la rencontre autour d’un verre avec l’acteur et le metteur en scène a permis de partager nos émotions. La notre bien sûr, et la leur, d’avoir pu jouer à et pour Médecins du Monde à l’origine de leur création.

 

 « Je lis Les Naufragés en 2006. Cʼest un livre qui marque, qui déplace, qui imprègne… »

Patrick Declerck se met en scène avec pudeur, raconte sʼêtre déguisé une nuit en clochard pour se faire embarquer au centre de Nanterre, évoque ses consultations psychiatriques auprès des SDF, explique comment il tente de les soigner, avoue les aimer autant quʼil les hait.
Le sang nouveau, lui, je ne lʼouvre pas. Je le garde, de déménagement en déménagement, de carton en carton, dʼhésitation en hésitation. Puis en 2012, lʼhorreur SDF sʼimpose. Le ton nʼest plus à lʼétude mais aux remarques vitriolées. Le constat est brutal. Drôle et cinglant.

Les clochards…
Ils sont souvent ivres, parfois violents. Ils puent la crasse. Ces hommes et femmes sans abri sont des blessés, des victimes, des révoltés, rêveurs éthyliques dʼun chimérique ailleurs. Il les aide, les aime, les hait aussi. Les mots de Patrick Declerck, précis et francs, nous rapprochent de ceux qui nous touchent et mettent en question la société qui laisse faire. Travaillé par la question de la désocialisation et de lʼerrance, il a ouvert en 1986 au sein de Médecins du Monde la première consultation dʼécoute auprès des SDF. Il dépose ces maux de lʼhomme, ce malaise dʼune société.
Frappé par ses deux récits, je me plonge dans lʼécriture dʼun autre, me frotte au réel, interroge ce que peut être le théâtre face à ça. Par désir de révolution poétique et nécessité de porter cette parole politique. Jean-Christophe Quenon, acteur à la présence rare, est lui-même et lʼautre, médecin et patient, Clodo et Citoyen. Parlant dʼune seule voix, humaine
Je demande à P. Declerck si je suis légitime de dire ses mots, si le théâtre est le bon endroit. Il me répond : « Vous avez une tribune, des gens se déplacent pour vous écouter, la question serait plutôt dans lʼautre sens : pourquoi ne pas avoir parler des SDF plus tôt ? »
ʻOn a fort mal dormiʼ est un spectacle sur cet homme, Patrick Declerck. Sur ses choix. Ses rencontres. Ses contradictions. Cʼest à travers lui que nous entrons dans cette étrange famille des SDF : dans sa complexité, ses fureurs, ses fragilités, ses impasses, ses urgences. Bien plus quʼun documentaire, pour se rendre compte que lui, nous, les SDF, parlons dʼune même voix. Que les frontières sont si perméables.

Guillaume Barbot

 

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