“Au moins 2 années seront nécessaires pour revenir à la situation avant Matthew”

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Mimose Doudoute Auguste, infirmière
coordinatrice des équipes mobiles de Médecins du Monde en Grande Anse et dans le Sud
Photo Olivier Papegnies/ collectif Huma

Originaire de Jérémie, dans le département de la Grande Anse, Mimose, infirmière de formation, a fait le choix de s’engager auprès des plus vulnérables. Après une première expérience chez Catholic Relief Services où elle travaillait sur un programme de nutrition puis une autre au Ministère de la santé publique, elle rejoint Médecins du Monde en 2008, en tant qu’infirmière superviseuse du projet d’accès aux soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans.

Convaincue de la nécessité de travailler spécifiquement auprès de ce public plus vulnérable et exposé, elle devient en 2012 référente en santé sexuelle et reproductive.

En réponse à l’urgence de l’ouragan Matthew, Mimose a pris en charge la coordination médicale des 9 équipes mobiles de Médecins du Monde présentes dans les départements de la Grande Anse et du Sud, qui offrent des soins aux personnes éloignées du système de santé haïtien. Elle supervise aujourd’hui 54 personnes tout en continuant à se former en gestion et administration de santé publique. Mimose a décidé de s’engager sur cette coordination au vu de la pertinence des interventions. Les équipes mobiles répondent à des besoins médicaux très importants pour des personnes éloignées des centres de santé et qui n’ont aucun moyen de se soigner. Déjà précaires, la plupart ont tout perdu avec Matthew :  bétail, récoltes, logement…  Selon Mimose, la situation actuelle en Grande Anse et dans le Sud est bien pire qu’après le séisme de 2010. Au moins 2 années seront nécessaires pour revenir à la situation avant Matthew, si bien-sûr de véritables moyens sont engagés.

En réponse à l’urgence Matthew, 6 équipes mobiles de santé ont été mises en place en Grande Anse et 3 dans le Sud. Composées de médecins, d’infirmiers, de spécialistes de l’hygiène et de l’assainissement et des sensibilisateurs communautaires, elles visitent actuellement 60 villages en Grande Anse et 30 dans le Sud, à raison de 2 visites par mois. Elles reçoivent en consultation, traitent les personnes malades et les réfèrent, si besoin, à des structures de santé. Une attention toute particulière est portée à la santé materno-infantile. Des activités de dépistage du paludisme et des cas de malnutrition sont également organisées. Des animateurs communautaires sensibilisent les personnes aux précautions sanitaires à prendre dans un tel environnement.

Améliorer la santé materno-infantile reste le plus grand défi sanitaire actuel

Malgré une situation très précaire, Mimose reconnaît les avancées réalisées. De nombreuses personnes ont été sensibilisées aux soins de santé et à l’hygiène comme les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans, notamment grâce au travail communautaire de Médecins du Monde avec les clubs de mères, de pères, de jeunes ainsi que les leaders religieux et traditionnels. Le nombre de décès maternels et d’enfants de moins de 5 ans a sensiblement baissé ces dernières années.

Selon Mimose, ce combat pour améliorer la santé materno-infantile reste le plus grand défi sanitaire actuel. L’ambitieux projet TIMAMA, financé par l’AFD, a été lancé en janvier 2016 pour maintenir cet objectif : réduire la mortalité materno-infantile, encore beaucoup trop élevée, en portant une attention toute particulière sur les grossesses précoces en augmentation. Face à l’urgence Matthew, ce projet a été réorienté et intégré dans les 9 cliniques mobiles.

Des consultations pré et post natales et des suivis de grossesses sont disponibles pour ces femmes et jeunes filles qui sont sensibilisées également aux accouchements médicalisés.  Des groupes de parole et des séances d’écoute avec des psychologues sont également délivrées, notamment pour détecter des cas de violences liées au genre dont auraient pu être victimes ces femmes et jeunes filles.

HAITI MEDECINS DU MONDE

D’un point de vue de la santé infantile, un suivi vaccinal, des dépistages nutritionnels – primordiaux dans ce contexte élevé d’insécurité alimentaire – et des référencements sont proposés.

En totale adéquation avec les valeurs et le travail de Médecins du Monde – apporter un appui et un soutien aux populations les plus vulnérables là où les autres ne vont pas – Mimose veut rester optimiste pour l’avenir de son pays : « si les Haïtiens se mettent vraiment ensemble comme le dit notre devise ” l’union fait la force”, nous pourrons changer les choses ». 

Cette solidarité s’est retrouvée après le passage de l’ouragan au sein des équipes. Parmi la centaine de personnes qui travaille pour Médecins du Monde en Haïti, toutes ont été touchées par Matthew. Mimose n’avait jamais vu cela auparavant : sa maison a été partiellement détruite, ses 2 enfants souffrent de stress post-traumatique mais malgré tout, elle s’est immédiatement mobilisée, comme le reste de ses collègues, pour répondre à cette urgence.

 Propos recueillis par Lisa Veran, chargée de relations presse chez Médecins du Monde

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